Face à la hausse de la demande pour un transport routier plus durable, Arthur Welter et Bolloré Logistics lancent une première liaison Luxembourg-Paris 100 % biocarburant.
C’est un projet inédit au Luxembourg qui a été inauguré mardi : un camion de la société Arthur Welter, alimenté à 100 % en biocarburant renouvelable, va assurer trois fois par semaine une navette entre le Findel et Roissy-Charles-de-Gaulle. «Un premier pas» pour le transporteur luxembourgeois qui se dit «prêt à augmenter le nombre de ses véhicules exclusivement ravitaillés en biocarburant en fonction de la demande» de ses clients.
C’est d’ailleurs l’un d’entre eux, Bolloré Logistics, l’un des plus importants opérateurs du Cargo Center, qui a sollicité la firme familiale de Leudelange pour lancer cette nouvelle offre au Grand-Duché. TotalEnergies s’y est associé, en acceptant d’installer des pompes de son biocarburant au Centre routier sécurisé à Bettembourg, permettant aux usagers du terminal intermodal de Bettembourg-Dudelange de faire le plein de HVO 100.
Produit à partir de matières premières végétales et 100 % renouvelable (lire ci-contre), ce nouveau biocarburant vise à réduire les émissions de CO2 des véhicules de 50 à 90 % par rapport au diesel. Chez Arthur Welter, on estime ainsi qu’un trajet effectué par un camion roulant au diesel avec une charge moyenne émettrait 340 kilos de CO2 contre 85 kilos seulement en optant pour ce biocarburant : soit une épargne de 255 kilos de CO2 par trajet et près de 40 tonnes par an pour un seul camion.
Des droits d’accise «injustes»
Encore rare, le HVO 100 est plus cher à la pompe que le diesel : environ un euro de plus (2,16 euros le litre mardi). Ce qui ne décourage pas le transporteur luxembourgeois, déterminé à limiter son impact environnemental, et ce, malgré le manque d’incitation financière pour les sociétés qui choisissent cette source d’énergie plus durable : «Les accises et les taxes de pénalisation liées aux émissions de CO2 sont les mêmes pour le HVO 100 que pour le diesel conventionnel, alors qu’il émet jusqu’à 90 % de CO2 en moins. C’est dommage et injuste», regrette Ben Frin, directeur financier d’Arthur Welter, qui plaide pour une défiscalisation de ce biocarburant.
«On aimerait être soutenus au niveau politique pour s’engager davantage dans cette voie durable mais très chère. Or pour l’instant, rien n’est fait. On doit s’arranger avec nos clients et fournisseurs», déplore-t-il, alors que le marché pousse dans cette direction et que le biocarburant est, à ce jour, la seule alternative «verte» pour le secteur du transport et de la logistique. «On n’a pas de camion électrique ou à hydrogène, donc on fait avec ce qui existe face à la pression économique bien réelle pour un transport routier plus respectueux de l’environnement», explique Ben Frin.
Un potentiel confirmé par les deux autres sociétés, dont les clients sont également demandeurs : «Nos clients sont de plus en nombreux à opter pour des solutions logistiques plus vertueuses», indique Marc Hansen, directeur de Bolloré Logistics Luxembourg, qui prévoit déjà d’autres liaisons vers Amsterdam et Francfort. «On observe clairement une augmentation de la demande pour le HVO. Dans les prochaines années, la consommation de ce produit va certainement augmenter, malgré son prix», assure Patrick Schnell, directeur général de Total Luxembourg, annonçant que d’autres clients du marché luxembourgeois ont manifesté leur intérêt.
Christelle Brucker
Compatible avec les moteurs diesels
Le Hydrotreated Vegetable Oil (HVO) est produit à partir de différentes matières premières biosourcées, résiduelles ou de déchets comme l’huile de cuisson, contribuant ainsi à l’économie circulaire. Avec la même structure chimique qu’un carburant classique, il peut être utilisé, dans un moteur diesel, pour un plein à 100 % ou en mélange, voire en alternance, sans aucune adaptation nécessaire.
«Ce sont des huiles végétales traitées par hydrolyse, auxquelles on ajoute des molécules d’hydrogène pour obtenir un produit plus pur, compatible avec la majorité des moteurs actuels, contrairement au biodiesel», précise Patrick Schnell, directeur général de Total Luxembourg.
Si le HVO compte seulement quelques unités de production en Europe pour l’instant, elles devraient se multiplier à l’avenir, à mesure que la demande en hydrocarbures devrait baisser. La Belgique dispose déjà de deux stations proposant du HVO à la pompe, utilisable pour les poids lourds comme pour les véhicules légers, alors qu’aux Pays-Bas ou en France, celles qui existent se comptent sur les doigts d’une main et sont internes aux sociétés de transport pour la plupart.