Patronat et syndicats ont réussi à trouver un accord plus moderne et plus flexible sur la pratique du télétravail qui s’est largement généralisée avec la crise sanitaire.
Le gouvernement n’a pas voulu passer par le long parcours législatif pour encadrer le télétravail, devenu une pratique massive avec la pandémie. En juin dernier, le patronat et les syndicats ont donc dû se mettre d’accord, après plusieurs semaines de négociations pour dépoussiérer la convention sur le télétravail datant de 2006, soit un an avant la sortie du premier iPhone.
Cette semaine, les deux parties ont abouti à un accord national qui aura force d’obligation pour les entreprises avant la fin de l’année, après adoption de l’accord par le Conseil de gouvernement via un règlement grand-ducal.
Mais concrètement, que va changer cet accord pour les salariés et les entreprises? «Il flexibilise l’accès au télétravail en ne prévoyant pas d’avenant au contrat de travail. Il rend moins lourde et difficile la pratique. Auparavant, l’absence d’un avenant voulait dire qu’il n’y avait pas de couverture par l’assurance accident», explique en premier lieu Frédéric Krier, membre du bureau exécutif de l’OGBL qui a participé aux négociations.
En effet, il faut savoir que pour faire télétravailler ses salariés, l’employeur devait ajouter un avenant au contrat de travail en y incluant toute une série de points bien précis. Chose rarement faite en pratique. Désormais, les assureurs devraient prendre en compte le télétravail en cas d’accident du travail s’il y a bien eu une demande et un accord – par e-mail ou autre – pour travailler à distance entre l’employeur et l’employé.
Un avenant ne sera plus nécessaire
Avec la pandémie et la mise en télétravail de millier de salariés du jour au lendemain, très peu d’entreprises ont rédigé des avenants au contrat de travail, preuve que le texte de 2006 était dépassé. «La précédente convention n’était vraiment pas très claire sur le sujet et en la lisant, on pouvait comprendre que le télétravail était prévu pour un jour fixe ou encore que le salarié en question était tout le temps en télétravail. Même si au Luxembourg, le télétravail était de 11 %, seulement 1 % de ce nombre était effectivement tout le temps en télétravail», explique Frédéric Krier pour bien montrer l’inadéquation du texte avec l’évolution de la société.
Du côté du LCGB, on certifie également que cette nouvelle convention est «un bon accord. Plus flexible, plus moderne et plus facile à mettre en œuvre. Mieux définie et plus claire, elle permet de pérenniser la pratique du télétravail», assure Christophe Knebeler, secrétaire général adjoint du LCGB.
Autre nouveauté, le télétravail a été clairement défini. «Maintenant, nous savons ce qu’est le télétravail et ce qui n’est pas du télétravail. Le détachement à l’étranger ne peut pas être considéré comme du télétravail. Tout comme les espaces de cotravail si le travail est presté dans un bureau satellite de l’entreprise : cela ne peut pas être considéré comme du télétravail. Par contre, si le salarié loue lui-même un espace de coworking pour y travailler, c’est du télétravail. Autre exemple, intervenir ponctuellement par smartphone ou ordinateur dans le train, ce n’est pas du télétravail», précise Frédéric Krier.
Des frais pouvant être négociés
L’accord renseigne également sur les frais divers pouvant être engendrés par la pratique du travail à distance. De l’aveu des syndicats, c’était d’ailleurs le point le plus difficile à négocier entre le patronat et les syndicats. «C’est là qu’entre en jeu la distinction entre le télétravail régulier et le télétravail occasionnel. Car auparavant, le texte considérait que le salarié était tout le temps en télétravail. Maintenant, dans le cas d’un télétravail régulier, l’employeur doit fournir l’équipement de travail nécessaire à la pratique et prendre en charge les coûts directement engendrés, notamment ceux liés aux communications», souligne Frédéric Krier.
Pour autant, aucun montant n’est défini par l’accord. «Aujourd’hui, la grande majorité des personnes possède un wifi à la maison et chaque communication professionnelle n’occasionne pas une charge supplémentaire sur la facture. Mais l’accord mentionne tout de même que cette charge peut prendre la forme d’un montant forfaitaire mensuel à convenir d’un commun accord par écrit entre l’employeur et l’employé», indique le syndicaliste.
L’accord rappelle également qu’un employé en télétravail dispose des mêmes droits et des mêmes obligations prévus par la loi et les conventions collectives. Ainsi, le principe de l’égalité de traitement entre télétravailleurs et travailleurs classiques doit être respecté. Par contre, la sphère privée du télétravailleur doit rester privée. Un patron ne pourra pas exiger d’entrer dans le domicile de l’employé pour le surveiller.
Toutefois, le droit à la déconnexion n’a pas été abordé dans ce nouveau texte. «En effet, mais la raison est simple. Si nous l’avions inclus dans cette convention, le droit à la déconnexion aurait été uniquement pour les personnes en télétravail. Alors que nous souhaitons que ce droit soit applicable pour l’ensemble des travailleurs», a expliqué Frédéric Krier.
Jeremy Zabatta