Accueil | Economie | UE : Enrico Letta redoute «l’inertie»

UE : Enrico Letta redoute «l’inertie»


Enrico Letta réclame davantage de «leadership politique» pour rendre l’UE plus compétitive. (Photo : union européenne)

L’ancien Premier ministre italien estime que l’absence d’une meilleure intégration européenne, notamment dans le domaine de la finance, de l’énergie et des télécoms, risque de plomber l’UE.

Les drapeaux nationaux que chaque pays européen brandit «sont trop petits», a observé Enrico Letta lors d’une table ronde aux Rencontres économiques annuelles, qui se tenaient vendredi et samedi à Aix-en-Provence. L’ancien Premier ministre italien, auteur en avril d’un rapport, prône une meilleure intégration de l’Union européenne.

Il a remarqué qu’il était ainsi impossible, à quelques exceptions près, de voyager d’une capitale européenne à l’autre à bord d’un train à grande vitesse en raison des normes nationales des chemins de fer, dénonçant «une fragmentation qui empêche la compétitivité européenne». Et «c’est la même chose sur l’énergie, les télécoms et surtout sur les services financiers», a-t-il déploré.

Cette absence de grand marché financier européen, notamment pour financer les transitions verte et digitale, «fait jouir Wall Street d’un côté et fait jouir les Chinois de l’autre», a-t-il lancé. Aujourd’hui, a-t-il décrit, «l’argent privé européen va aux États-Unis (car) le marché intégré américain est attrayant. (Cela) rend plus fortes les entreprises américaines qui reviennent en Europe avec notre argent pour acheter nos entreprises européennes» s’est-il ému, évoquant «un suicide».

Un besoin «de leadership politique»

Citant les raisons qui ont empêché ce marché de capitaux unique jusqu’à présent, il a évoqué «l’inertie qui va vers le national sur ce sujet». D’autre part, a-t-il relevé, la «poussée» nécessaire «a besoin de leadership politique».

De son côté, la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a insisté sur les défis de l’Union européenne en matière de financements, plaidant pour une véritable union des marchés de capitaux, indispensable aux investissements en faveur de l’innovation. «On n’est pas encore capable aujourd’hui d’avoir (…) un marché où les services, les biens, les personnes, les capitaux voyagent et s’implantent là où ils le peuvent, là où ils le veulent, sans restrictions», a-t-elle regretté. Il faut «un tout petit effort supplémentaire» pour «permettre le financement de nos idées et de nos projets en Europe, plutôt que de voir partir ailleurs en bons du Trésor américains l’épargne assez significative qui existe» dans le vieux continent.

«Non, ce n’est pas possible»

Lors d’une autre table ronde, l’ancien ministre allemand de l’Économie d’Angela Merkel, Peter Altmaier, a lancé un plaidoyer pour la coopération internationale, alors qu’en France, le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire affichent des positions protectionnistes. «Il est devenu moderne pour les populistes de l’extrême droite et de l’extrême gauche de dire « On n’a plus besoin de la mondialisation, on n’a plus besoin de la coopération européenne« . (…) Non, ce n’est pas possible», a-t-il lancé en français.

Les électeurs, en raison de leur «déception» et «peur» d’être oubliés, «cherchent une solution en votant pour les partis populistes». Mais, «franchement, je ne connais aucun gouvernement populiste en Europe ou en dehors de l’Europe qui n’a jamais tenu ses promesses. Ils ont commencé avec des promesses et ont terminé avec une situation qui était pire que jamais. Mais ce n’est pas une excuse pour les partis du centre», a-t-il poursuivi.

Il a également fait part de cette déception quant au moteur franco-allemand, qui tourne au ralenti en Europe. «Je souffre et je pleure quand je vois l’état lamentable de la coopération franco-allemande qui n’existe plus depuis deux ans», a-t-il dit. Or, «il nous faut cette coopération», notamment pour faire face à la guerre en Ukraine.