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Uber suspendu à un référendum en Californie après la condamnation de son modèle d’affaires


Ce chauffeur appelle à voter non à la Proposition 22. Elle garantirait la flexibilité des conducteurs indépendants et leur accorderait des avantages sociaux, mais pas le statut d’employé. (Photo : AFP)

Une cour d’appel californienne a estimé jeudi qu’Uber et Lyft ont bien enfreint la loi de l’État qui veut les contraindre à requalifier leurs chauffeurs en employés, mais les deux entreprises ont un sursis jusqu’à ce que les électeurs aient voté sur leur proposition alternative le 3 novembre.

Cette audience fait partie d’un bras de fer judiciaire entre les deux plateformes de réservation de voitures avec chauffeur (VTC) et la Californie, qui cherche à appliquer la loi « AB5 » sur le statut des travailleurs indépendants, entrée en vigueur en janvier. Ce texte intime aux entreprises de la « gig economy » (économie à la tâche) de considérer leurs travailleurs indépendants comme des salariés, ce que Lyft et Uber refusent catégoriquement.

En août, l’État le plus peuplé et le plus riche des États-Unis avait obtenu que le tribunal ordonne aux deux entreprises de requalifier les conducteurs en salariés d’ici une date butoir. Cette date a ensuite été repoussée, le temps de résoudre la bataille judiciaire en cours, cruciale pour le modèle de la « gig economy ».

Le 13 octobre, l’avocat d’Uber, Theodore Boutrous, a de nouveau fait valoir que la société n’était « pas une entité de recrutement » ni « une entreprise de transports », mais une « plateforme multidimensionnelle qui permet de mettre en contact des passagers et des chauffeurs. »

Matthew Goldberg, qui défend l’État de Californie et les villes de San Francisco, Los Angeles et San Diego, a rétorqué que les chauffeurs étaient lésés, car ils ne peuvent actuellement pas prétendre à de nombreuses protections sociales, telles que le salaire minimum, le remboursement des frais professionnels ou le congé familial. Jeudi, la cour d’appel a tranché en faveur de la Californie, mais la décision ne prend pas effet immédiatement.

La Proposition 22 soumise à un référendum le 3 novembre

Les parties attendent le résultat d’un référendum, prévu le 3 novembre en même temps que l’élection présidentielle américaine. Uber et Lyft ont dépensé des dizaines de millions de dollars pour organiser le scrutin et appeler les citoyens de l’État à soutenir leur « Proposition 22 », un compromis qui garantirait la flexibilité et certains avantages sociaux aux conducteurs indépendants. Les deux entreprises peuvent aussi faire appel auprès d’une cour supérieure.

Les chauffeurs eux-mêmes sont divisés sur cette «Proposition 22». « Si vous êtes un chauffeur, vous n’êtes rien pour Uber », fulmine Karim Benkanoun. Il fait partie des conducteurs californiens qui voudraient être reconnus comme des employés, et non des travailleurs indépendants, et votera « non » le 3 novembre, contre le compromis avancé par le géant de la réservation de voitures avec chauffeur (VTC). « Ils nous considèrent comme des entrepreneurs, mais on n’a pas notre mot à dire sur le contrat », explique-t-il.

Sergei Fyodorov, au contraire, tient à la possibilité de travailler quand il le souhaite, c’est-à-dire principalement le week-end, quand il va voir sa famille à une heure de son domicile. Ce manager dans une entreprise technologique conduit parce qu’il aime « rencontrer des gens » et aussi pour gagner des revenus complémentaires, notamment entre deux postes.

«Les travailleurs subventionnent le produit»

Selon Lyft, 86 % de ses chauffeurs californiens conduisent moins de 20 heures par semaine et veulent garder le contrôle de leur emploi du temps, parce qu’ils sont étudiants, retraités ou ont un autre emploi. « Des centaines de milliers d’emplois disparaîtraient » si la Proposition 22 était rejetée, affirme Geoff Vetter, porte-parole de la campagne pour le « oui ».

La plupart des chauffeurs de la région ont vu leurs revenus diminuer au fur et à mesure qu’un nombre croissant de conducteurs rejoignait la plateforme. Si la Proposition 22 l’emporte, les chauffeurs gagneront entre 25 et 28 dollars de l’heure, après les dépenses, d’après une étude financée par Lyft.

Mais il y a un an, deux chercheurs de l’université de Berkeley avaient déterminé que le revenu minimum garanti par les deux entreprises ne serait que de 5,64 dollars de l’heure, après « considération de nombreux éléments » non pris en compte, selon eux, comme le temps d’attente ou l’usure du véhicule.

« Uber, ça marche parce que c’est bon marché et rapide », argumente Kurt Nelson, ingénieur chez Uber, dans une tribune publiée sur le média TechCrunch, appelant à voter « non ». « Mais cela ne fonctionne que grâce aux innombrables conducteurs qui attendent la prochaine course, complètement non payés. Les travailleurs subventionnent le produit avec leur travail gratuit ».

LQ/AFP