Dans une tribune publiée par Le Quotidien, l’eurodéputée Eva Joly voit dans le bon résultat réalisé par les Verts aux européennes une opportunité de construire une Europe sociale, démocratique et écologique.
Eva Joly a été pendant dix ans députée européenne. Elle est membre de Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises (ICRICT). L’ancienne élue écologiste affirme qu’une action efficace contre le réchauffement climatique et la crise environnementale passe nécessairement par le combat contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux.
«La vague verte enregistrée lors des élections européennes du 26 mai doit permettre à l’Europe un sursaut. Aux volontés de repli des nationalistes et eurosceptiques, et aux tentations de statu quo des conservateurs et des libéraux, nous devons opposer notre détermination à bâtir une Europe sociale, démocratique et écologique. La forte mobilisation des jeunes pour le climat me donne particulièrement espoir en l’avenir. En France comme en Allemagne, les Verts sont arrivés en tête chez les 18-34 ans lors de ce scrutin. Et si les lycéens ne peuvent pas encore voter, ils font déjà entendre leur volonté de défendre leur avenir dans la rue, lors des marches pour le climat.
À ces jeunes qui se mobilisent, et alors que mon mandat d’eurodéputée prend fin après dix années de combats, je veux leur dire que c’est à eux de reprendre le flambeau. Je veux leur dire aussi que pour une Europe plus verte, nous avons besoin de plus de justice fiscale.
D’abord, parce qu’il y a un lien direct entre la dégradation de l’environnement et la fraude fiscale. Prenez la pêche illégale ou l’abattage de forêts, par exemple, les revenus de ce trafic ne sont pas placés à la Caisse d’épargne, ils sont placés dans des paradis fiscaux. Ensuite, parce que pour financer la transition écologique que nous appelons de nos vœux, les États doivent avoir plus de moyens, et pour cela les multinationales doivent payer leur juste part d’impôts. Nous devons mettre fin aux stratégies agressives d’optimisation fiscale qui leur permettent de ne payer aucun impôt malgré des bénéfices record. Que Google, par exemple, ait pu transférer en 2017 19,9milliards d’euros aux Bermudes par l’intermédiaire d’une société écran néerlandaise est scandaleux. L’évasion fiscale coûte chaque année à l’Union européenne 20% de ses recettes au titre de l’impôt sur les sociétés.
Satisfaction et amertume
Pendant dix ans, au Parlement européen, j’ai fait de la justice fiscale une priorité de mon action. Et c’est aujourd’hui avec un mélange de satisfaction et d’amertume que je quitte mes fonctions. Satisfaction d’abord, car nous avons obtenu d’importantes victoires. Les lanceurs d’alerte, qui défendent l’intérêt général au péril de leurs vies, bénéficieront désormais d’une protection européenne. La criminalité financière sera mieux combattue grâce à la création d’un parquet européen qui coordonnera les enquêtes transfrontalières. Et l’Union européenne exige enfin des intermédiaires –banques, avocats fiscalistes– qu’ils transmettent aux autorités les schémas fiscaux qu’ils élaborent pour le compte de leurs clients. Mais il y a de l’amertume car il reste tant à faire. La proposition de transparence pour les multinationales est toujours bloquée par les gouvernements des États membres alors que nous sommes en droit de vérifier que ces entreprises paient bien leurs impôts là où a réellement lieu leur activité. Surtout, je déplore que l’Europe n’ait pas encore adopté la taxation unitaire des multinationales, en les imposant comme une seule entité –ce qu’elles sont en réalité, et non une myriade de filiales soi-disant indépendantes. On en finirait ainsi avec les tours de passe-passe qui permettent aux entreprises de déclarer leurs bénéfices où bon leur semble, dans le seul but de ne payer aucun impôt ou presque!
Ce système, qui profite à une poignée d’États tricheurs au sein de l’Union européenne –notamment l’Irlande, les Pays-Bas et le Luxembourg– nuit à tous les autres. Il engage aussi notre responsabilité par rapport aux pays en développement. Tax Justice Network vient par exemple de révéler que le géant du tabac British American Tobacco déclarait artificiellement une partie de ses bénéfices dans une filiale britannique, où il est exempté d’impôt. Si rien ne change, l’entreprise échappera ainsi au versement de 625millions d’euros d’ici 2030 au Bangladesh, à l’Indonésie, au Kenya, en Guyane, au Brésil et à Trinité-et-Tobago. Sans transparence ni taxation unitaire, les multinationales pourront continuer de piller les pays du Sud.
Le verrou de l’unanimité
Le 31mai dernier, à Paris, 129 pays se sont entendus pour dire la nécessité de changer les règles de la fiscalité mondiale et d’empêcher les multinationales de déclarer leurs impôts où bon leur semble. En clair, ils acceptent la taxation unitaire, que nous défendons à l’échelle mondiale au sein de la Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises, et c’est une révolution. Bien sûr, les batailles politiques ne font que commencer, car les intérêts entre les 129 États divergent considérablement.
L’Europe doit montrer l’exemple et faire le ménage devant sa porte. Si l’on continue à buter sur le verrou de l’unanimité en matière de décisions fiscales, il suffit de prouver que l’optimisation fiscale agressive est une distorsion de concurrence. La Commission l’a bien montré en 2016 avec sa décision historique de condamner Apple à rembourser 13 milliards d’euros à l’Irlande. Or, sur les questions de concurrence, une majorité de pays suffit au sein de l’Union.
Pendant dix ans, j’ai défendu la vision d’une Europe plus juste. D’une Europe qui met fin à l’impunité des puissants. J’ai agi pour une Europe qui défend l’intérêt général plutôt que les multinationales. Cette Europe plus respectueuse de l’environnement, plus juste et solidaire est à portée de main. Saisissons-la!»
Eva Joly
Cette femme est le type même de femme « pastèque », c’est à dire verte dehors et rouge dedans. Une écolo-gauchiste en somme, une espèces dangereuse pour l’humanité.