Certains y trouvent leur compte en échappant aux transports ou aux aléas de la vie de bureau, mais pour d’autres le télétravail déployé massivement depuis mars dernier face au Covid-19 et qui doit être – légèrement – assoupli en fin de semaine a des airs de « prison ».
« Cinq jours sur cinq, c’est plus tenable ! », tant physiquement, avec « des douleurs qui arrivent de partout » faute d’exercice, que psychologiquement, rapporte Claude, salariée chez EDF dans la région lyonnaise. « J’ai l’impression d’être au bord de la dépression alors que j’ai jamais été comme ça. Je suis chez moi, je me mets à pleurer devant mon ordinateur », confie cette femme de 51 ans.
Depuis la fin octobre, le protocole sanitaire en entreprise impose le télétravail comme une règle, précisant qu’il doit être « porté à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance ». Ce protocole doit être adapté pour permettre à compter du 7 janvier de revenir sur site une journée par semaine, la ministre du Travail Élisabeth Borne y voyant « un enjeu de santé publique », alors que beaucoup souffrent d’isolement.
C’est le cas de Claude qui affirme qu’elle « ne peut pas continuer à vivre comme ça », n’ayant « plus aucune vie ». « On prend l’image à l’heure actuelle d’un prisonnier: on a le droit de sortie, mais on vit la même vie que le prisonnier tout seul dans sa pièce », dit-elle, plaidant pour qu’on « laisse le choix » à ceux qui veulent retourner au bureau.
« Pas de soupape de décompression »
Si le télétravail, que beaucoup ont découvert avec le Covid, a fait des adeptes, le 100% fait beaucoup moins recette : selon un sondage Ifop publié début décembre et portant sur les salariés de Paris et sa petite couronne, ils ne sont que 8% à vouloir travailler exclusivement à distance.
« Je n’aime pas travailler chez moi », confirme Romain, 28 ans, employé d’un groupe de communication parisien qui a pu revenir un peu sur site comme Claude entre les deux confinements. « Chez moi je me repose et on travaille au bureau », « je n’aime pas trop mélanger les deux », dit-il. Pour ce salarié qui aimerait bien revenir plus qu’un jour par semaine, ce sentiment est « renforcé » par le fait qu’il vit dans un petit espace de 15 m² : « Je me marche un peu dessus », dit-il. Et d’ajouter qu’il a « un peu plus de mal à travailler » depuis qu’il a un chat qui saute sur son ordinateur…
« A la maison on n’a que des problèmes, on n’a pas les bons côtés du boulot, les côtés où on rigole, on parle de tout et de rien », rapporte de son côté James. « Du coup, le soir, ça monte, ça monte, ça monte (…), il n’y a pas de soupape de décompression », ajoute ce quadragénaire actif dans l’horlogerie.
« On se perd un peu »
Sophie, dans un bureau d’études en région lyonnaise, met aussi en avant le manque d’interactions sociales. « On a toujours à gagner à échanger avec nos collègues », constate la jeune femme de 33 ans, pour qui il y avait « plus de légèreté à travailler à plusieurs », à faire ses pauses ensemble. Elle compte « sauter sur l’occasion » d’un assouplissement car « on se perd un peu » dans ce mode de travail.
En apprentissage dans le marketing-communication dans une compagnie d’assurance en Île-de-France, Alexandre, 25 ans, à distance depuis novembre, a aussi « hâte » de retourner sur site. « J’ai pu constater que je ralentissais en compréhension et en formation, ça m’énerve un peu », dit le jeune homme, tout en se disant conscient que le télétravail est « un mal pour un bien » face à l’épidémie.
Après le premier assouplissement attendu, Élisabeth Borne avait fait état d’ « un deuxième jalon au 20 janvier », consistant à laisser la main aux partenaires sociaux, qui viennent de conclure un accord national, « pour définir dans le dialogue social un nombre minimal de jours de travail ». Mais c’est sous réserve que la situation sanitaire le permette.
Un numéro vert (0800 13 00 00) a aussi été lancé mi-novembre pour accompagner les salariés qui vivent difficilement la situation.
LQ/AFP