Accueil | Economie | Téléphonie : Bouygues claque la porte à l’offre d’Altice

Téléphonie : Bouygues claque la porte à l’offre d’Altice


Martin Bouygues ne semble pas décidé à lâcher sa filiale de téléphonie. (photo AFP)

Le groupe Bouygues a rejeté catégoriquement mardi soir une offre de 10 milliards d’euros d’Altice, maison-mère de l’opérateur Numéricable-SFR, pour le rachat de sa filiale Bouygues Telecom, pendant que le ministre français de l’Economie exposait à son fondateur Patrick Drahi ses inquiétudes pour l’investissement et l’emploi.

« Le conseil d’administration a décidé à l’unanimité, après un examen approfondi, de ne pas donner suite à l’offre non sollicitée du groupe Altice« , a précisé le communiqué, ajoutant que « l’offre représente un risque d’exécution important qu’il ne revient pas à Bouygues d’assumer, en particulier en matière de droit à la concurrence ».

Bouygues craint que les délais nécessaires pour finaliser l’opération, en particulier pour obtenir l’avis des autorités de régulation, fassent courir un risque industriel à sa filiale des télécoms alors qu’elle « dispose d’un avantage concurrentiel fort et durable grâce à son portefeuille de fréquences et son réseau 4G » qui couvre 70% du territoire français.

« Fin de non recevoir »

« Il s’agit d’une fin de non recevoir » de la part du conseil d’administration, a expliqué une source proche du dossier. « Le risque d’exécution a été la principale motivation puisque l’offre d’Altice supposait que Bouygues assumerait 100% du risque d’une procédure longue et incertaine », a-t-on précisé de même source.

Interrogé dans la soirée, Altice n’avait pas réagi à la décision du conseil d’administration du groupe industriel. Orange, qui n’était pas concerné directement pas l’offre de Patrick Drahi, prend acte de la décision de Bouygues « avec sérénité », a indiqué un porte-parole par téléphone.

Le gouvernement français inquiet pour l’emploi

Avec sa position de leader sur le marché, « Orange n’a pas besoin de consolidation en France » mais le groupe reste néanmoins convaincu que « sur le long terme, le marché des télécoms en France ne peut pas supporter quatre opérateurs de réseau » et doit revenir à trois acteurs pour amortir les investissements nécessaires dans les réseaux, a-t-il précisé.

Reçu par Emmanuel Macron pendant que le conseil d’administration de Bouygues se réunissait, le président d’Altice s’est vu demander une « évaluation des résultats et des conséquences du rachat de SFR » par Numericable, l’an passé, a-t-on précisé de source proche du ministre. Le ministre a « rappelé la priorité du gouvernement, surtout sur l’emploi, l’investissement et le niveau des prix, et réaffirmé sa préoccupation sur ce que les synergies évoquées signifieraient en termes d’emploi », ajoute-t-on de même source.

A sa sortie, M. Drahi s’est réjoui d’une rencontre entre « deux personnes sympathiques ». « On a parlé de l’investissement en France dans les télécoms, des emplois, des investissements des entreprises françaises à l’étranger, et puis nous ferons un point régulier si l’affaire devait avancer », avait-il alors indiqué.

« Des doublons à la pelle »

Lundi, le directeur général de Numericable-SFR avait tenté de répondre aux objections, soulevées dès dimanche par M. Macron puis réaffirmées par le Premier ministre Manuel Valls, en assurant que ce projet se faisait « au bénéfice de l’investissement et des consommateurs ». « La réunion de nos deux réseaux va nous permettre de donner un coup d’accélérateur aux investissements dans le très haut débit fixe et mobile sur tout le territoire », avait assuré Eric Denoyer.
Bouygues Telecom avait déjà par le passé suscité la convoitise de ses autres concurrents. L’opérateur historique Orange et Free (Iliad) avaient lancé des offres, toutes rejetées par Martin Bouygues. « Vous vendriez votre femme, vous ? » avait-il expliqué, en février dernier, en présentant les résultats du groupe. Une consolidation dans le secteur était pourtant jugée bénéfique par une majorité d’analystes.

AFP