Le géant de l’automobile Stellantis a annoncé jeudi suspendre la production dans certaines usines au Canada et Mexique, les premières perturbations depuis l’entrée en vigueur de droits de douane voulus par Donald Trump sur les véhicules fabriqués à l’étranger.
L’annonce de Stellantis – qui possède Chrysler, Jeep et Dodge – va affecter directement des milliers de travailleurs qui sont plongés dans l’angoisse et l’attente depuis des semaines.
Depuis jeudi 4 h 01, les voitures fabriquées en dehors des États-Unis sont soumises à une surtaxe de 25 % et des droits de douane de même ampleur sur les pièces détachées doivent aussi progressivement entrer en vigueur.
Dans la foulée, le 5e constructeur mondial a annoncé qu’il allait fermer son usine canadienne de Windsor, qui emploie environ 4 000 salariés, à partir de lundi pour deux semaines « principalement » en raison de ces droits de douane, a indiqué jeudi une porte-parole du groupe.
Sur le parking de l’usine, même si beaucoup le redoutaient, jeudi matin à l’heure de la pause, les visages sont fermés.
Philip Sauve, ouvrier pour le groupe automobile, confie sa « nervosité » et son abattement. « J’espère que notre gouvernement et celui des États-Unis vont se réunir pour trouver une solution, quelque chose qui ait du sens », explique-t-il.
« Ces emplois sont les nôtres depuis longtemps et je n’ai pas vraiment l’impression que nous leur ayons pris quoi que ce soit », poursuit-il très ému en pensant à « la vie confortable » qu’il avait jusqu’ici et qui est peut-être en train de voler en éclats.
Dans cette ville canadienne de 250 000 habitants, installée sur la frontière avec les États-Unis, à quelques encablures de Détroit, tout tourne autour de l’industrie automobile. La crainte est donc maintenant de voir d’autres usines fermer et des sous-traitants mettre la clé sous la porte dans la foulée. Et donc des milliers de licenciements.
Grand flou
L’usine détenue par Stellantis est celle bientôt centenaire de Chrysler. Ici sont fabriqués des monospaces Chrysler Pacifica et de puissantes berlines électriques Dodge Charger, exportés en masse vers les États-Unis.
« C’est le grand flou, commente Dave Lumley, qui travaille également dans l’usine. Nous ne savons pas ce qui va se passer demain avec ce Donald Trump. Il pourrait encore changer d’avis. »
Mais pour lui c’est clair, le Canada « sera le plus touché. « À long terme, nous allons le ressentir fortement ».
Le groupe Stellantis a indiqué continuer « d’évaluer les effets (des droits de douane américains) sur les véhicules importés et continuera de discuter avec l’administration américaine de ces changements de politique ».
« Les mesures immédiates que nous devons prendre comprennent l’arrêt temporaire de la production dans certaines de nos usines d’assemblage canadiennes et mexicaines, ce qui aura une incidence sur plusieurs de nos installations américaines de production de moteurs et d’emboutissage qui soutiennent ces opérations », a poursuivi le groupe.
Cette annonce de droits de douane sur le secteur automobile fait partie de la grande guerre commerciale lancée par Donald Trump tous azimuts. Mercredi, il a aussi annoncé des droits de douane très lourds en particulier contre l’Asie et l’Union européenne, qui font plonger les marchés mondiaux et craindre des conséquences lourdes pour l’économie mondiale.
En accord avec les deux autres géants américains, Ford et General Motors, Stellantis demande notamment des droits de douane allégés pour les automobiles importées depuis le Mexique et le Canada, où les constructeurs comptent de nombreuses usines.
Les constructeurs craignent que les droits de douane, qui doivent les pousser à produire davantage aux États-Unis, ne les obligent à hausser fortement le prix des véhicules, chassant les acheteurs des concessions.
En visite fin mars à Windsor, le Premier ministre du Canada, Mark Carney, avait annoncé vouloir créer un réseau de construction automobile « entièrement canadien ».
« Il ne s’agit pas d’attendre que les Américains deviennent plus raisonnables. Il s’agit d’agir maintenant », avait-il déclaré.
Donald Trump accuse son voisin du Nord d’avoir « volé » le secteur automobile américain et a déclaré que les constructeurs automobiles qui voulaient éviter les taxes douanières devraient fabriquer leurs voitures aux États-Unis.