Avec les périodes de confinement et les nombreuses restrictions en vigueur depuis un an et demi, l’épargne des ménages n’a jamais été aussi abondante, au Luxembourg comme ailleurs en Europe. L’idée d’imposer cette manne fait son chemin, explique la Fondation Idea dans son dernier numéro de Décryptage.
Les bas de laine tiennent bien chaud depuis l’hiver dernier. Au plus fort de la pandémie, du fait des limites de déplacement, de la fermeture de nombreux commerces et des restaurants, mais également des craintes liées à l’après-crise, les ménages ont donc fortement freiné leurs dépenses de loisirs. « C’est probablement en pensant à ce confortable matelas que certains évoquent l’opportunité, voire la nécessité, de mettre en place un impôt Covid-19 sur les ménages qui, ‘gagnants de la crise’, se retrouvent avec un excédent d’épargne et donc une plus grande capacité contributive », souligne Idea. Une telle politique fiscale, outre son caractère impopulaire, suscite toutefois de nombreuses interrogations, estime la Fondation. Combien taxer cette manne et comment la mobiliser utilement au service de la reprise, par exemple ? Ou comment participer à l’effort de solidarité nationale sans pour autant devoir payer le prix de sacrifices personnels.
Au Grand-Duché, « les ménages résidents seraient parvenus à mettre de côté – au titre des seuls dépôts à vue – environ 1,8 milliard d’euros de plus que ‘la normale’, soit environ 10% de leurs dépenses de consommation sur le territoire » depuis mars 2020. S’il n’existe pas encore une connaissance « très fine » du comportement d’épargne des ménages durant la crise, Idea distingue ceux qui ont pu maintenir leurs activités grâce au télétravail de ceux qui ont dû passer plusieurs mois en chômage partiel. Par ailleurs, les revenus de certains ont été « statutairement » préservés, à l’image des fonctionnaires et retraités, quand d’autres – les indépendants notamment – ont subi de « sérieuses » baisses de leur pouvoir d’achat. Des actifs ont aussi pu cumuler des heures supplémentaires tandis que les plus jeunes rencontraient des difficultés à trouver un job d’été. Autant de comportements « hétérogènes » dans la constitution de l’épargne. Plus généralement, cette épargne est forcément très inégalitaire entre les ménages aisés et les plus modestes dont les contraintes pèsent plus lourdement sur leurs dépenses (logement, biens de première nécessité, etc.).
Que va devenir cette épargne ? « Le Luxembourg étant un pays sans contrôle des capitaux ni répression financière, les voies que pourrait emprunter l’épargne excédentaire accumulée sont théoriquement illimitées », selon la Fondation qui détaille trois hypothèses jugées concrètes et réalistes :
Surconsommation. Les 1,8 milliard d’euros étant majoritairement le produit des contraintes qui ont pesé (et pèsent encore) sur les dépenses de consommation finale, « la logique voudrait qu’ils soient consommés au fur et à mesure du retour à la normale ». Une surconsommation pourrait même avoir lieu afin que le taux d’épargne (24% en 2019, près de 32% en 2020) retrouve son niveau initial.
Précaution. D’abord forcée, l’épargne pourrait devenir « de précaution » si les ménages trouvaient la situation sanitaire trop anxiogène (apparition de nouveaux variants, nouvelle tension hospitalière), redoutaient un changement de régime fiscal (hausse des impôts fonciers), des rebonds du chômage ou de l’inflation.
Investissement. La dernière piste envisagée repose sur la possibilité de voir cette épargne utilisée pour l’investissement, qu’il s’agisse de placements financiers ou d’acquisitions de logements en cas d’envolée des prix de l’immobilier.
Au final, note la Fondation Idea, ces 1,8 milliard d’euros, « soit quasiment autant que ce que le gouvernement a mis sur la table » (hors reports de paiements et garanties) pour soutenir ménages et entreprises, « pourraient utilement aider l’économie luxembourgeoise, déjà bien orientée, en offrant à la demande intérieure un effet rush via la consommation ». Même s’il faut toujours prendre en compte les incertitudes à moyen terme qui risquent de ralentir la reprise et la consommation : mesures de distanciation physique et poursuite du télétravail, faillites d’entreprises, difficultés de recrutement dans divers secteurs, hausse continue des prix de l’énergie et matières premières… Tout comme des changements structurels dans les habitudes, avec la volonté de réduire son empreinte écologique, acheter moins souvent mais plus qualitativement, ou lutter davantage contre le gaspillage.
LQ
Une entité tierce (l’Etat, en l’occurrence) qui commencerait à s’immiscer davantage dans la gestion des budgets des ménages via une quelconque taxation en sus? Budgets constitués par l’épargne résultant de revenus déjà taxés? Cela paraît tout de même étonnant venant d’IDEA, au vu de la composition de son Conseil d’Administration… Est-ce que le CA s’est posé la question d’une éventuelle « fuite » du capital provoquée par la mise en oeuvre éventuelle de cette idée loufoque?
Taxer, surtaxer, retaxer, ils n’ont que ce mot à la bouche.