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Taxation du numérique : « colère » de la France face aux petits pays comme le Luxembourg


La proposition visant à mieux taxer au niveau de l'UE les géants du numérique a rencontré samedi la résistance des petits pays. Le ministre français Bruno Le Maire est en "colère". (Photo : AFP)

Les réserves émises par plusieurs ministres européens samedi à Sofia sur la proposition de la Commission, portée par Emmanuel Macron, de mieux taxer dans l’UE les géants du numérique ont provoqué « la colère » du Français Bruno Le Maire.

Les ministres européens des Finances débattaient pour la première fois de ce projet, présentée fin mars par l’exécutif européen, qui prévoit la mise en place rapide d’une taxe sur le chiffre d’affaires des géants du net, comme Facebook et Amazon, le temps qu’une solution soit négociée à l’échelle mondiale.

Mais les petits pays tels Malte, l’Irlande et le Luxembourg, accusés de tirer profit de leur fiscalité avantageuse vis-à-vis de ces entreprises, ont sans surprise fait part de leur circonspection, tout comme la Suède, le Danemark, la Finlande mais aussi le Royaume-Uni – qui s’était pourtant dit favorable à cette idée dans un premier temps.

Gramegna : « Il faut discuter avec les Américains »

Il faut « discuter avec les Américains, car si l’UE fait ça de son côté, cette taxe sera très inefficace et mauvaise pour la compétitivité européenne », a expliqué le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna. Celui-ci a évoqué un risque d' »escalade » avec les Etats-Unis, avec lesquels les relations sont déjà tendues sur le plan commercial en raison des lourds droits de douane sur l’acier et l’aluminium que leur président Donald Trump menace appliquer à l’UE à partir du 1er mai.

« Ce n’est pas une taxe contre les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), ce n’est pas une taxe contre les Etats-Unis (…) C’est quelque chose qui va dans l’intérêt de tous les Européens », a répondu le commissaire européen à la Fiscalité, qui défend le projet au nom de la Commission.

Selon une source européenne, le ministre français des Finances Bruno Le Maire est le dernier des ministres à avoir pris la parole samedi matin pendant un tour de table, pour exprimer « une colère froide » face aux réticences que suscite cette taxe, dont Emmanuel Macron a fait une priorité. « L’Europe est-elle capable de se montrer forte ? », a-t-il lancé selon cette source. « Une chose que j’ai apprise lors de la semaine que je viens de passer aux Etats-Unis avec le président Macron : les Américains ne respecteront que les démonstrations de force. » « Si vous voulez allez jusqu’aux élections européennes l’an prochain avec le message « nous avons beaucoup parlé, beaucoup débattu, mais pris aucune décision » « bonne chance ! », a-t-il conclu, toujours selon ces propos rapportés.

Le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz, dont le pays avait jusqu’à présent soutenu la proposition européenne, n’a pas pris la parole. Interrogé en conférence de presse, il n’a pas donné d’explications. Mais, d’après une source diplomatique, l’idée de taxer le chiffre d’affaires, et non les bénéfices comme cela se fait habituellement, n’a pas les faveurs de Berlin. « Aucun pays ne pourrait accepter ce que nous voyons aujourd’hui » avec les géants du net, a-t-il cependant dit à la presse, évoquant « une grande question morale ».

Le texte de la Commission prévoit dans un premier temps de taxer à hauteur de 3% les revenus générés par l’exploitation d’activités numériques. Cette taxe ne visera que les groupes dont le chiffre d’affaires annuel mondial s’élève à plus de 750 millions d’euros et dont les revenus dans l’UE excèdent 50 millions d’euros.

Outre cette mesure « ciblée » de taxation du chiffre d’affaires des entreprises numériques, la Commission a proposé une réforme de fond des règles relatives à l’imposition des sociétés, qui prendrait le relais de la première proposition de « court terme ». Cette proposition de « long terme » permettrait aux pays de l’UE de taxer les bénéfices réalisés sur leur territoire, même si une entreprise n’y est pas présente physiquement.

Les Français se sont fixé l’objectif d’adopter la solution de court terme au plus tard début 2019. Mais la nécessité d’obtenir l’unanimité dans l’UE pour toute réforme de la fiscalité rend le consensus difficile.

Le Quotidien/AFP