Le procès en Suisse d’Hervé Falciani, l’ex-informaticien franco-italien de la banque HSBC-Suisse accusé d’espionnage économique, s’est ouvert lundi mais a été aussitôt ajourné en l’absence de l’accusé, qui s’est toujours posé en « lanceur d’alerte ».
Sans surprise, Hervé Falciani, qui avait indiqué il y a quelques semaines qu’il n’assisterait pas à son procès, ne s’est pas présenté à l’ouverture des débats au Tribunal pénal fédéral de Bellinzone, dans le sud de la Suisse. La cour a donc décidé de suivre la réquisition du procureur Carlo Buletti, en reportant le procès au 2 novembre.
Selon les règles légales, si M. Falciani, ne vient pas à cette nouvelle convocation, le tribunal devra le juger par défaut. « Nous constatons que Hervé Falciani ne s’est pas présenté à l’audience qui s’est tenue aujourd’hui (lundi) au tribunal fédéral pénal Suisse, en dépit de l’offre qui lui a été faite par la Cour de solliciter un sauf-conduit », a déclaré la division suisse de HSBC.
M. Falciani est poursuivi par le procureur général de la Confédération « pour soustraction de données, service de renseignements économiques, violation du secret commercial et violation du secret bancaire ».
Le procureur fédéral suisse lui reproche « d’avoir, de 2006 à 2008, copié des données bancaires de son employeur », qui était alors la banque HSBC à Genève, « pour ensuite, de 2008 à 2014, les rendre accessibles à des entreprises privées et à des organismes publics de plusieurs pays », dont les autorités fiscales françaises.
Selon l’acte d’accusation, Hervé Falciani a, sous l’identité créée de Ruben Al-Chidiak, profité de ses connaissances pour déchiffrer les données de la banque et les diffuser à des tiers dans le but de s’enrichir. En tout, des milliers de fichiers ont été divulgués.
Hervé Falciani est accusé par les autorités suisses d’avoir transféré illégalement les données de la banque sur son ordinateur d’octobre 2006 jusqu’à son interpellation le 22 décembre 2008 en Suisse.
Le parcours rocambolesque de cet homme âgé d’une quarantaine d’années, que la presse française surnomme le « Snowden de la fraude fiscale » ou « l’homme qui fait trembler les riches » est digne d’un roman d’espionnage.
Ses révélations ont permis de découvrir des milliers d’évadés fiscaux dans le monde. Il se présente lui comme un « lanceur d’alerte » et il a annoncé il y a plusieurs semaines dans les médias suisses qu’il n’assisterait pas à son procès, vu qu’il risquait d’être arrêté.
L’affaire Falciani a provoqué une crise entre Berne et Paris, lorsqu’il est apparu que les données transmises par l’ex-informaticien avaient été utilisées par le fisc français.
Parmi les riches contribuables accusés d’avoir fraudé le fisc de leur pays et à avoir été rattrapés par la justice grâce aux listes Falciani, figure Arlette Ricci, 73 ans, héritière des parfums Nina Ricci. Ou encore le banquier Emilio Bottin, qui avait été condamné à payer 299 millions d’euros au fisc espagnol.
M. Falciani avait commencé comme employé de casino à Monaco au début des années 1990, puis est devenu informaticien de la banque HSBC en 2000, d’abord à Monaco, puis à Genève en 2006.
Après un premier interrogatoire de la police genevoise concernant ses activités, Hervé Falciani avait quitté la Suisse en décembre 2008. Il avait été ensuite arrêté en 2012 à Barcelone mais avait été remis en liberté, l’Espagne ayant refusé la demande d’extradition de Berne. La France refuse également de l’extrader.
Les révélations d’Hervé Falciani sont à l’origine de l’affaire d’évasion fiscale touchant la banque HSBC en, Suisse. Ce scandale, dit SwissLeaks, avait été révélé le 9 février par un consortium de journaux internationaux. Ces journaux avaient étudié pendant des mois les données volées en 2007 par Hervé Falciani, qui leur avaient été transmises par un informateur sur une clé USB.
En juin, HSBC a versé 40 millions de francs aux autorités genevoises, mettant ainsi, sans procès, un terme à la procédure pour blanchiment aggravé lancée le 18 février contre elle.
« Je dois me présenter devant le tribunal alors que la procédure contre HSBC est close, comment cela est-il possible ? », a affirmé Falciani la semaine dernière dans l’hebdomadaire économique HandelsZeitung. « Suis-je un plus grand danger pour la Suisse que HSBC ? », a-t-il dit.
Nouveau pied de nez de cet homme aux multiples facettes, il a prévu une conférence de presse le 28 octobre à Divonne, en France, à cinq minutes de la frontière suisse.
AFP / S.A.