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Sous pression, l’UE enterre sa liste noire contre le blanchiment des capitaux


«Les 28 de l'UE ont laissé passer une occasion de montrer leur engagement dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la corruption mondiale», s'est emporté Carl Dolan, directeur de Transparency International. (illustration AFP)

Les 28 membres de l’Union européenne ont enterré mercredi une liste noire contre le blanchiment de capitaux, qui incluait l’Arabie Saoudite, après des pressions de Washington et de Riyad, une décision fustigée par l’ONG Transparency International.

Ce rejet, attendu après les critiques sur la méthodologie employée, constitue un revers pour la Commission européenne, qui avait proposé le 13 février dernier d’ajouter sept nouveaux pays à la liste, portant cette dernière à un total de 23 pays à « haut risque ».

« Les 28 de l’UE ont laissé passer une occasion de montrer leur engagement dans la lutte contre le blanchiment d’argent et la corruption mondiale », s’est emporté Carl Dolan, directeur de Transparency International.

Mardi déjà, l’ONG avait exhorté les pays européens à dire «oui» à cette liste, pointant du doigt de récents scandales de blanchiment, dont un révélé cette semaine par l’association Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), qui incluait plusieurs banques européennes dont l’allemande Commerzbank.

Réunis à Bruxelles, les représentants des 28 pays de l’UE ont décidé à l’unanimité de mettre leur veto, a indiqué une porte-parole du Conseil (qui représente les États membres), Maria Tomasik, sur son compte Twitter.

Les ministres de l’Intérieur de l’UE devraient valider formellement ce rejet jeudi, lors d’une réunion dans la capitale belge.

La Commissaire européenne en charge des questions de justice, Vera Jourova, devrait probablement commenter cette décision jeudi, a dit un porte-parole.

Parmi les 7 nouveaux pays ajoutés le 14 février par la Commission à la liste noire se trouvaient, outre l’Arabie Saoudite, le Panama, Samoa et les quatre territoires américains : les Samoa américaines, Guam, Porto Rico et les îles Vierges américaines.

Tout comme le Panama et l’Arabie saoudite, ces quatre territoires ne sont pas sur la liste du Groupe d’action financière international (GAFI), l’organisme chargé de coordonner les efforts mondiaux pour assainir le système financier international, actuellement présidé par les États-Unis.

Pas de sanctions 

Parmi les 16 pays figurant déjà sur la liste initiale se trouvent l’Iran, l’Irak, le Pakistan ou encore l’Éthiopie et la Corée du Nord.

Le fait de se retrouver sur cette liste ne déclenche pas de sanctions, mais il oblige les banques européennes à appliquer des contrôles renforcés sur les opérations financières avec des clients ou des établissements financiers dans ces pays.

Sur une cinquantaine de pays passés à la loupe, la Commission avait conclu que 23 présentaient des « carences stratégiques » dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Les États-Unis s’étaient félicité dès vendredi de l’abandon attendu de cette liste.

L’ambassadeur américain auprès de l’UE, Gordon Sondland, avait jugé « encourageant de voir le bon sens prévaloir de la part des États membres par rapport au positionnement dogmatique de la Commission ».

Au moment de l’annonce le 13 février dernier par la Commission, l’Arabie Saoudite avait dit regretter cette initiative, qui intervenait dans un contexte de tensions après l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul en octobre 2018.

L’Arabie Saoudite avait envoyé une lettre adressée aux dirigeants européens, et signée par le roi Salmane, dans laquelle elle jugeait son inscription sur cette liste « surprenante et inattendue ». Elle mettait en garde sur les conséquences d’une telle décision, qui créerait « des difficultés dans le commerce et les flux d’investissement entre le Royaume et l’UE ».

Le GAFI s’était quant à lui déclaré « très préoccupé » par la liste noire proposée par Bruxelles, insistant sur son propre « rôle central » dans ce domaine.

AFP/LQ