Les expérimentations visant à passer à la semaine de quatre jours se multiplient en Europe, sous diverses formes et à plus ou moins grande échelle. Tour d’horizon:
BELGIQUE
Le Parlement belge a voté fin septembre une réforme du marché du travail incluant la possibilité pour les salariés d’effectuer leur temps plein sur quatre jours au lieu de cinq. Il ne s’agit pas de réduction du temps de travail, qui oscille en Belgique entre 38 et 40 heures hebdomadaires selon les conventions collectives. Les syndicats veulent d’ailleurs réduire cette durée et voient la réforme actuelle comme un tremplin vers la semaine des 36 heures.
Désormais permis par la loi, le travail sur quatre jours s’effectue sur la base du volontariat et pour une période test de six mois renouvelable. Les parents séparés en garde d’enfant(s) alternée ont aussi la possibilité de réduire leur durée du travail durant leur semaine de garde, à condition de compenser la suivante. Pour eux, le temps de travail est calculé sur deux semaines.
Pour tous les salariés à quatre jours, il est interdit d’effectuer des heures supplémentaires le cinquième jour et le bénéfice des chèques-repas délivrées par l’employeur reste calculé sur cinq jours.
En présentant la réforme début 2022, le Premier ministre, le libéral flamand Alexander De Croo, disait vouloir offrir aux employés « plus de liberté et de flexibilité pour mieux concilier vie privée et vie professionnelle ».
ESPAGNE
Le gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sanchez a lancé cette année une expérimentation dans 200 PME volontaires afin de tester la réduction à 32 heures du temps de travail hebdomadaire, sur quatre jours, sans baisse de salaire.
Ce projet pilote, à l’initiative d’un petit parti de gauche (Mas Pais), doit durer trois ans et est financé par des fonds publics. Il prévoit de comparer à terme la productivité dans les entreprises concernées à celle d’entreprises ayant conservé la semaine de cinq jours (40 heures).
Ces dernières années, plusieurs grandes entreprises ont déjà testé, voire adopté, la semaine de quatre jours pour certains employés, à l’image du géant des Télécoms Telefonica ou du groupe de prêt-à-porter Desigual, mais souvent avec une baisse de salaire ou une hausse du nombre d’heures quotidiennes.
Malgré ces initiatives, la semaine de quatre jours est un sujet qui ne fait pas consensus: les syndicats y sont favorables, la principale organisation patronale (CEOE) y est opposée car elle la juge inapplicable dans de nombreux secteurs d’activité.
FRANCE
En France, quelques entreprises se sont lancées. Parmi les pionnières, Yprema (transformation des matériaux de déconstruction), une centaine de salariés, applique ce mode d’organisation depuis 1999. Plus récemment, d’autres ont également fait ce pari: le groupe informatique LDLC (un millier de salariés), la plateforme dédiée à l’univers du travail Welcome to the Jungle ou encore le fournisseur d’électricité Elmy.
Selon une étude du spécialiste en ressources humaines ADP, en juillet, « 64% des salariés français, tous secteurs confondus, souhaiteraient bénéficier d’une plus grande flexibilité dans l’organisation de leurs horaires de travail, avec la possibilité de les concentrer sur une semaine de quatre jours ».
Toujours selon ADP, tous secteurs confondus, la semaine de quatre jours n’a été adoptée que par 5% des entreprises. Pour Benoit Serre, vice-président de l’association des directeurs des ressources humaines (ANDRH), « les salariés demandent plutôt plus de souplesse dans leur organisation. Quatre ou cinq jours, c’est un faux débat ».
ROYAUME-UNI
Un test de la semaine de quatre jours au Royaume-Uni, lancé en juin pour six mois, donne des résultats pour l’instant positifs, selon des données de mi-parcours publiées fin septembre. Plus de 70 entreprises se sont inscrites pour cette expérimentation, qui permet à plus de 3.300 salariés de travailler un jour de moins par semaine tout en conservant le même salaire.
Selon un sondage réalisé auprès des entreprises, auquel un peu plus de la moitié ont répondu, 88% déclarent que « la semaine de quatre jours fonctionnait « bien » pour leur entreprise à ce stade », rapporte 4 Day Week Global, l’association qui organise l’expérimentation.
86% des entreprises répondantes déclarent qu’elles envisageraient « probablement » ou « extrêmement probablement » de conserver la semaine de quatre jours à l’issue de la période d’essai.
Près de la moitié ont vu leur productivité se maintenir, un tiers estiment qu’elle s’est même « légèrement améliorée » et 15% qu’elle s’est « sensiblement améliorée ».
« La semaine de quatre jours est un grand succès chez nous: la productivité est restée élevée, avec une augmentation du bien-être de l’équipe » mais aussi « des performances financières en hausse de 44% », indique Claire Daniels, dirigeante de Trio Media, une agence de marketing de Leeds (nord).
ALLEMAGNE
Ce sujet ne fait pas vraiment débat en Allemagne, où l’organisation du temps de travail et les salaires sont en général négociés directement entre syndicats et entreprises par branches d’activité, sans que le gouvernement n’intervienne.
Il reste surtout un débat entre experts économiques sur l’opportunité de réduire ou bien d’allonger le temps de travail (à 40-42 heures par semaine) pour régler le problème de manque de main d’oeuvre dans certaines branches (restauration, bâtiment, aéroports etc.)
Il existe toutefois des initiatives de petites entreprises, notamment dans l’artisanat, d’une semaine de quatre jours pour attirer les candidats.
La chaîne de magasins de bricolage Hornbach a récemment annoncé vouloir donner à ses salariés plus de flexibilité en leur proposant « un temps de travail sur mesure ». « A partir de l’an prochain, nos salariés en Allemagne pourront réduire, réaffecter ou allonger leur temps de travail », selon l’entreprise.