Le marché des satellites connaît un passage à vide depuis quelques mois, dû aux mutations du secteur qui rendent certains opérateurs attentistes, mais il devrait rebondir grâce aux besoins de connectivité fixe et mobile.
« Depuis 2016, le marché GTO (orbite géostationnaire, NDLR) est assez calme », avec 5 satellites commandés à l’industrie en 2017 et un nombre de contrats de lancements limités, observe Stéphane Israël, patron d’Arianespace, à l’occasion de la World Satellite Business Week, le grand rendez-vous annuel du spatial organisé par le cabinet Euroconsult à Paris. Et si la société européenne de lancements ne souffre pas pour l’heure de cet attentisme grâce à un carnet de commandes bien rempli, elle n’est « pas hors contexte », souligne Stéphane Israël. « Et si peu de satellites ont été commandés à l’industrie, nous en voyons les conséquences », notamment en termes de pression sur les prix des lancements.
« Syndrome de l’iPhone »
Cet attentisme remonte à 2016, avec 15 contrats au profit des constructeurs de satellites contre 22 l’année précédente, mais il ne devrait pas durer, selon Nicolas Chamussy, patron de la branche spatiale d’Airbus. « Quand on voit les opérateurs, ils sont tous un peu en attente », reconnaît-il. Ils « disent : est-ce que j’investis dans un satellite de performance actuelle ou est-ce que j’attends que vous ayez développé les charges utiles flexibles de nouvelle génération ? Ça vaut peut-être le coup d’attendre ».
« Les opérateurs tombent un peu dans le syndrome de l’iPhone : j’ai un iPhone 5 ou 6, est-ce que j’achète un iPhone 7 parce que, si j’attends un mois ou deux de plus, peut-être que je vais avoir le 8? », explique-t-il. Ils « se posent des questions sur la technologie et les types de services qu’on veut adresser et les solutions qu’on veut prendre ».
Les constructeurs de satellites conservent toutefois une bonne visibilité grâce à leurs carnets de commandes. « Il y a pas mal de satellites qui sont prêts à être lancés ou qui viennent de l’être », relativise Nicolas Chamussy. « Nous avons eu la chance l’année dernière d’avoir de bonnes commandes sur le marché des télécoms. Cela nous donne de la visibilité ». Airbus Defence and Space a 12 satellites de télécommunication en cours de développement.
D’autant qu’à plus long terme, tous tablent sur les besoins de connectivité fixe et mobile comme relais de croissance. « On sent qu’il y a des choses qui frémissent », note Nicolas Chamussy. « Il y a le marché de renouvellement », mais il y a aussi les « besoins de mobilité », notamment dans l’aérien et la connectivité à bord des avions, un segment que les opérateurs satellitaires ont investi, certains en pariant sur les constellations.
SES ouvre la voie
La principale annonce de la semaine a ainsi concerné le déploiement à venir d’une nouvelle génération de satellites destinés à la constellation O3b de l’opérateur luxembourgeois SES, développés par l’américain Boeing. Cette constellation en position orbitale moyenne (MEO, Middle Earth Orbit) est destinée aux services de connectivité fixes et mobiles. Elle remplacera en partie des satellites GTO actuellement en service, selon le patron de SES, Karim Michael Sabbagh. « Deux satellites géostationnaires existants ne seront pas remplacés car ce nouveau système est capable de croitre plus vite avec moins d’investissements », a-t-il expliqué.
Reste que tous les opérateurs, comme Inmarsat ou Eutelsat, demeurent fidèles aux traditionnels satellites en orbite géostationnaire, dont les performances sont dopées par le numérique et la propulsion électrique.
« Évidemment, nous allons suivre attentivement constellations et GTO et les interactions entre les deux, mais la profession a plus le sentiment d’un moment de repositionnement des acteurs que d’une pause de croissance », résume Stéphane Israël. « Nous savons que, lors de la prochaine décennie, le marché va être dynamisé par la connectivité, que les opérateurs recherchent des solutions satellitaires les plus flexibles possibles, ce qui pourrait les amener à renouveler plus vite leurs projets. Donc nous avons le sentiment d’un marché bien orienté au cours de la prochaine décennie mais avec un moment de latence ».
Le Quotidien/AFP