La compagnie aérienne Ryanair a été épinglée au Royaume-Uni pour des publicités trompeuses sur les émissions de CO2, semant le doute sur la capacité du secteur à convaincre du sérieux de ses engagements climatiques.
L’autorité britannique de régulation de la publicité (ASA) a annoncé mercredi avoir interdit des publicités diffusées par le transporteur à bas coût en septembre 2019 dans la presse écrite, à la radio et à la télévision Le régulateur du secteur a estimé que le groupe irlandais avait induit en erreur les consommateurs, en se présentant comme celui ayant les plus faibles émissions de CO2 en Europe parmi les grandes compagnies aériennes. Or l’ASA a jugé qu’il était difficile de définir ce qu’est une « grande compagnie aérienne » et que les consommateurs pourraient avoir l’impression de moins contribuer aux émissions carbone, ce qui ne peut pas être prouvé. Ces « publicités (…) ne doivent pas apparaître une nouvelle fois sous leurs formes actuelles », a exigé le régulateur, qui demande à Ryanair d’apporter « les preuves nécessaires » pour être en mesure de faire de telles promesses sur l’environnement.
Ryanair « déçu et surpris »
Dans un communiqué, Ryanair s’est dit « déçu et surpris » par la décision, et assure qu’il est le transporteur aérien « le plus vert » en Europe. Selon ses chiffres, il émet 66 grammes de CO2 par passager et par kilomètre, soit une pollution 25% inférieure aux autres grandes compagnies, toujours selon lui. « Nous avons déployé ce message publicitaire avec succès dans dix pays en Europe », avance le groupe, qui reconnaît « avoir fait des ajustements mineurs sur le marché britannique à la demande des autorités compétentes ». Selon son site internet, Ryanair s’est engagé à réduire ses émissions de CO2 sous 60 grammes d’ici 2030 et dit suivre les objectifs fixés par l’Association internationale du transport aérien (Iata) de les abaisser de 50% en 2050 par rapport au niveau de 2005.
Le groupe propose en outre depuis 2018 à ses clients de compenser l’impact sur l’environnement de leur voyage en versant une somme supplémentaire en plus du prix du billet pour financer des projets verts. Ryanair a levé jusqu’à présent 2,5 millions d’euros grâce à cette initiative. Cela n’a pas empêché la compagnie d’avoir été classée parmi les dix entreprises les plus polluantes d’Europe, selon des chiffres d’avril 2019 publié par l’ONG Transport & Environnement. Ce rapport, qui se fondait sur la totalité des émissions de CO2 en 2018, montrait que Ryanair figurait à la 10e place, derrière neuf producteurs de charbon d’Allemagne, de Pologne et de Bulgarie.
Le secteur aérien très critiqué
En revanche, une récente étude de l’association britannique de consommateurs Which? avait constaté que les vols de Ryanair figuraient parmi les moins polluants sur un échantillon de destination. « Toutefois, nous avons aussi observé que les mécanismes de compensation carbone proposés par Ryanair font peu ou rien pour réduire les émissions », signale Rory Boland, un responsable de Which?. L’association salue dans le même temps la décision du régulateur de la publicité, surtout au moment où les messages sur l’environnement rencontrent un écho de plus en plus important dans la société. « Des millions de voyageurs veulent faire des choix plus verts quand ils partent en vacances et le régulateur a raison de réprimander les entreprises qui compliquent les choses avec de l’information erronée », selon Rory Boland.
La pression augmente sur le secteur aérien, qui est accusé par les ONG d’être particulièrement polluant et de ne pas faire assez pour lutter contre la crise climatique. Depuis quelques mois, des citoyens se mobilisent, à l’image de la militante écologiste Greta Thunberg, pour appeler au boycott de l’avion, notamment en Suède où le mouvement « flight shaming » (faire honte de prendre l’avion) incite les voyageurs à privilégier d’autres moyens de transport. Le secteur multiplie dans le même temps les promesses à l’instar de l’industrie britannique qui veut atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 comme annoncé par l’organisation Sustainable Aviation, regroupant l’aéroport londonien d’Heathrow, les compagnies aériennes British Airways et EasyJet et les constructeurs Airbus et Boeing. Ces entreprises entendent respecter cet objectif grâce à des projets d’avions moins polluants et aux controversés mécanismes de compensation, ce qui n’a pas convaincu les ONG comme Greenpeace qui accuse le secteur de « greenwashing ».
AFP/LQ