Après quatre jours et quatre nuits d’âpres négociations, chacun a réussi à grignoter de quoi le satisfaire dans le plan de relance de 750 milliards d’euros adopté par les dirigeants européens. Quels sont les gagnants et perdants de l’accord ?
La solidarité européenne
Pour la première fois, l’Union européenne va emprunter collectivement sur les marchés à grande échelle. L’idée semblait inimaginable il y a quelques mois, avant la crise du coronavirus. Berlin s’est finalement rallié à l’idée. La chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron ont proposé mi-mai la création d’un fonds de 500 milliards d’euros pour soutenir la reprise européenne, un plan qui a fortement influencé celui finalement retenu.
Espagne et Italie
Les deux pays du Sud, les plus touchés par la pandémie de coronavirus, seront les principaux bénéficiaires des fonds débloqués. Sur les 750 milliards d’euros, 390 milliards seront donnés directement aux États membres, auxquels viennent s’ajouter si besoin 360 milliards disponibles sous forme de prêts. Selon Emmanuel Macron, la France sera le troisième bénéficiaire des aides, avec 40 milliards d’euros. Et malgré l’insistance des pays dits « frugaux », en particulier les Pays-Bas qui n’ont pas confiance en la rigueur budgétaire des pays du Sud, une capitale n’aura pas de droit de veto sur le versement des aides à un pays si elle estime qu’il n’a pas rempli les objectifs fixés dans son plan de réforme.
La lutte contre le changement climatique
Quelque 30% du fonds de relance et du budget de l’UE seront consacrés à la lutte contre le changement climatique, ce qui en fait l’un des plus grands accords verts de l’histoire. Est aussi mentionné le respect des objectifs de neutralité climatique en 2050 et de réductions des gaz à effet de serre. Les gouvernements nationaux seront invités à soumettre des projets de relance respectueux du climat concernant les voitures électriques, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
Les programmes européens
Dans la négociation, pour satisfaire les pays dits « frugaux » (Pays-Bas, Suède, Danemark, Autriche), partisans d’un budget et fonds de relance restreints, les coupes ont été faites dans les fonds qui n’étaient pas déjà pré-alloués, c’est-à-dire hors enveloppes nationales pour les États membres. Des fonds dédiés dans le projet de budget et de fonds de relance de la Commission ont disparu ou ont été fortement réduits : la santé, la recherche, la migration, InvestEU (le programme qui vise à stimuler l’investissement) ou encore Eramus+ pour les étudiants. Un instrument de solvabilité pour les entreprises a été évincé.
Les opposants aux rabais
Avec le départ du Royaume-Uni, dont le « rabais » accordé à Margaret Thatcher avait inspiré les corrections accordées sur les contributions de cinq autres pays (Pays-Bas, Autriche, Suède, Danemark, Allemagne), les autres États membres espéraient la fin de tels dispositifs. Ces cinq pays estiment que leur contribution au budget de l’UE est démesurée par rapport aux sommes qu’ils reçoivent en retour. Mais ces rabais ont bien été maintenus, et même augmentés. Un gage pour s’assurer que les « frugaux » donnent leur accord final.
Les « frugaux »
« Ils ont gagné beaucoup mais on sort du sommet avec des positions très éloignées de ce qu’ils voulaient à la base », note Eulalia Rubio, de l’Institut Delors. Ils étaient en effet opposés à l’idée d’une dette commune et estimaient que tous les fonds de l’instrument de relance devaient être reversés sous forme de prêts plutôt que de subventions.
L’État de droit
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a assuré que « toutes les tentatives de lier l’État de droit au budget ont été stoppées ». La Pologne s’est également réjouie d’une absence de lien entre le versement des aides européennes et le respect de valeurs comme la liberté des médias et l’indépendance judiciaire. Les négociateurs de l’UE insistent cependant sur le fait que ce n’est pas le cas et que la Commission soumettra un plan pour rendre ce lien explicite. Le temps dira si Bruxelles est en mesure de concrétiser son plan. « C’est flou mais cela ne veut pas dire que cela ne peut pas être appliqué par la suite », estime Eulalia Rubio.
LQ/AFP