Les autorités portugaises ont suspendu mardi la vente de la banque Novo Banco, née l’an dernier des décombres de Banco Espirito Santo (BES), faute d’accord avec les trois candidats en lice, repoussant ainsi ce dossier encombrant après les élections législatives.
Le report de la vente scelle l’échec des négociations avec les groupes chinois Anbang et Fosun, puis le fonds d’investissement américain Apollo, qui ont refusé de relever leur offre pour Novo Banco, renflouée il y a un an à hauteur de 4,9 milliards d’euros.
A trois semaines des élections prévues le 4 octobre, le gouvernement et la Banque du Portugal ont voulu éviter une vente au rabais de l’ancien joyau du groupe Espirito Santo, redoutant une polémique sur le coût de l’affaire pour le contribuable portugais et les banques.
Les négociations butaient sur l’injection de capital frais dont Novo Banco aura besoin pour satisfaire aux tests de résistance de la Banque centrale européenne prévus à l’automne, estimée à au moins un milliard d’euros.
Jugeant «insatisfaisantes» les trois offres, la Banque du Portugal a fait savoir qu’elle envisageait de reprendre le processus de vente une fois connus les résultats de ces examens.
«Si la Banque du Portugal considère que la meilleure façon d’éviter des pertes est de réaliser la vente après les tests de résistance, je respecterai cette décision», avait assuré le Premier ministre Pedro Passos Coelho avant même l’annonce officielle.
Dès vendredi, le ministre de l’Economie Antonio Pires de Lima avait préparé les esprits: «il vaut mieux réaliser la vente au bon moment qu’à la hâte et avec un coût plus élevé pour le système financier portugais».
Au bout de neuf mois de tractations, le constat est sans équivoque: aucun candidat n’était prêt à mettre suffisamment d’argent sur la table pour pouvoir rembourser l’Etat et les banques, qui avaient apporté respectivement 3,9 milliards et un milliard d’euros, dans le cadre du plan de sauvetage de Novo Banco.
Selon la presse portugaise, l’offre de Fosun ne devait ainsi rapporter que 1,5 milliard d’euros nets, loin de la somme injectée dans la banque en août 2014. La crise des Bourses chinoises est passée par là, poussant Anbang et Fosun à rester prudents, refroidis par la récente dégringolade de leurs actions et la chute du yuan.
Retour à la case départ
Chahutées en Bourse en raison des incertitudes liées à Novo Banco, les banques portugaises avaient elles aussi plaidé pour un report: précipiter la vente «ne serait pas une bonne décision», avait ainsi prévenu Nuno Amado, président de la BCP.
Un peu plus d’un an après la chute de l’empire familial Espirito Santo, qui avait fait trembler le système financier du pays, la Banque du Portugal retourne à la case départ.
Novo Banco, la première structure de transition à être créée selon les nouvelles règles européennes sur les banques en difficulté, avait hérité des actifs sains de Banco Espirito Santo, dont la déconfiture a infligé de lourdes pertes à ses actionnaires.
Le cas du Portugal avait servi de test grandeur nature au système transitoire en vigueur, en attendant la mise en place en 2016 de l’union bancaire européenne qui vise à éviter aux contribuables de payer pour les banques.
Une moins-value subie dans la vente de Novo Banco sera certes assumée par le Fonds de résolution des banques, financé par le secteur et administré par la Banque du Portugal. Mais des pertes pour l’Etat, via la banque publique Caixa geral de depositos, ne sont pas à exclure.
La suspension de la vente risque de surcroît de plomber le déficit public de 2014, qui avait atteint 4,5% du PIB, hors renflouement de la banque, et pourrait désormais dépasser les 7%, selon des experts parlementaires. Autre casse-tête que devra résoudre le prochain gouvernement, les associations de clients lésés de Banco Espirito Santo multiplient les manifestations, toujours plus musclées, pour réclamer leur dû.
AFP/M.R.