Le commissaire européen à l’Agriculture et au Développement rural, Phil Hogan, invite les exploitants luxembourgeois à se tourner vers de nouveaux marchés.
Ressentez-vous des craintes, voire un certain scepticisme de la part des agriculteurs à l’égard de l’abolition des quotas laitiers ?
Phil Hogan : Le changement n’est pas simple. Ce fut par exemple le cas en 1993, lorsque fut créé l’European Milk Board (NDLR : Association représentative des intérêts des producteurs laitiers en Europe, comptant des membres dans quatorze pays européens et représentant environ 100 000 producteurs laitiers) : les agriculteurs ne s’étaient pas réjouis à l’époque.
Les quotas laitiers ont été introduits, en 1983, soit il y a 31 ans. Pourquoi la Commission européenne les abolit-elle aujourd’hui ?
Il faut se remémorer qu’en 1983, un pays comme la Nouvelle-Zélande avait un volume de production laitière au même niveau que celui de la CEE. Aujourd’hui, les Néo-Zélandais disposent de quatre fois plus de lait que l’UE. Ce pays est capable, à l’heure actuelle, d’exporter en quantités conséquentes et de créer des emplois dans les milieux ruraux. Il est d’ailleurs l’un des plus gros exportateurs de lait au monde.
Nous allons travailler main dans la main avec les exploitants européens, afin de promouvoir les emplois dans le secteur agricole et de développer davantage le commerce extérieur de l’UE en favorisant les exportations vers les pays tiers.
Quel sont les défis pour les agriculteurs luxembourgeois ?
Les agriculteurs luxembourgeois ont des attentes similaires à celles des autres agriculteurs européens. Ils souhaitent trouver des opportunités de nouveaux marchés. Si on leur fournit ces opportunités, ils parviendront à stabiliser les prix du lait. Il s’agit, en effet, de la crainte principale des agriculteurs, face à l’abolition des quotas laitiers. Ceci dit, le Luxembourg doit s’adapter.
Vous évoquez la nécessité, pour le Grand-Duché et l’UE, de se tourner davantage vers l’exportation de lait à l’avenir. Quels sont les pays, voire les régions du monde, visés ?
Bien que le secteur soit en croissance de 5,5 % en 2014, il faudra trouver des marchés supplémentaires. Il y a une certaine demande provenant de l’Asie et de l’extrême-Orient. L’UE devra se focaliser sur ces parties du globe et y profiter du développement des classes moyennes.
Comment ce changement de paradigme est-il perçu par le gouvernement luxembourgeois et, notamment, par son ministre de l’Agriculture, Fernand Etgen, que vous avez rencontré lundi au ministère ?
Le ministre Fernand Etgen s’est félicité du fait que les exploitants se tournent résolument vers l’avenir. Il a qualifié d' »optimale » la voie qui tend à être suivie et il nous soutient. Mais nous avons également abordé toute une ribambelle d’autres sujets concernant la PAC.
Parmi lesquels la simplification administrative dans l’agriculture ?
Évidemment. J’ai expliqué au ministre Fernand Etgen que la simplification administrative constituait l’une des priorités de la Commission européenne. Le ministre Fernand Etgen a, par exemple, mis en avant les simplifications dans les domaines du verdissement [greening]. Il s’agira de passer de 200 dispositions administratives à une petite cinquantaine. Nous avons aussi abordé la question de l’agriculture biologique et de l’harmonisation de ses 63 standards au niveau européen. La thématique a déjà été discutée lors du dernier Conseil agriculture et pêche de la mi-mars.
Quelles ont été les réactions des députés de la commission de l’Agriculture, avec qui vous avez échangé au Parlement ?
Les parlementaires luxembourgeois m’ont posé un certain nombre de questions concernant le futur. J’ai tout fait pour les rassurer et leur ai également parlé des opportunités à trouver dans l’exportation.
Et qu’en est-il des organisations et syndicats agricoles. Ont-ils émis des réserves ?
Les délégations syndicales se sont notamment enquises du processus de simplification administrative dans l’agriculture, qui se trouve actuellement sur les rails. Et elles sont dans l’expectative face à la réforme agraire au Luxembourg.
Quels ont été les autres dossiers de la PAC abordés avec les autorités et représentants syndicaux, à l’aube de la présidence luxembourgeoise de l’UE ?
Le changement climatique, les quotas d’émission ou encore la sécurité alimentaire sont des dossiers sur lesquels nous avons échangé. Sans oublier d’évoquer la volonté de Bruxelles d’encourager les jeunes à se tourner vers l’agriculture. La Banque européenne d’investissement (BEI) propose en effet, de nouveaux programmes de financements pour inciter des jeunes à s’établir et à embrasser une carrière agricole.
Entretien avec Claude Damiani