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Petits boulots et minimas sociaux : quand des pilotes plongent dans la précarité


Marc, ex-employé de Ryanair et brièvement enregistré en France, a pu, lui, bénéficier de sept mois d'allocation chômage. Depuis, il n'a plus de revenus, hormis ses cours. "J'ai aussi fait livreur à vélo pendant deux mois et demi, payé au Smic", détaille-t-il (photo d'illustration : AFP).

Depuis bientôt un an, 116 pilotes disposant d’une promesse d’embauche chez Air France sont dans l’attente de pouvoir intégrer la compagnie, où les recrutements sont gelés, plongeant certains dans une précarité aussi soudaine qu’inattendue.

« Je donne des cours particuliers à des élèves de collège et lycée. Pour le moment, c’est la seule voie qui s’ouvre, puisque le reste du marché de l’emploi est complètement amorphe ». En apprenant son recrutement comme pilote chez Air France en janvier 2020, Marc* était loin de s’imaginer un an plus tard contraint de louer ses services sur des plateformes de soutien scolaire.

A l’époque, tout juste commence-t-on à entendre parler de l’épidémie de coronavirus en Asie mais « ça ne traversait l’esprit de personne que ça puisse impacter à ce point le transport aérien ». Marc est censé intégrer Air France au printemps. Une semaine après le début du premier confinement, le 17 mars, Air France, dont l’activité est quasiment mise à l’arrêt, suspend toute nouvelle intégration jusqu’à nouvel ordre.

Comme Marc, 116 pilotes recrutés début 2020 et dont l’intégration devait se faire tout au long du printemps se retrouvent sans emploi et souvent sans droit au chômage.

La plupart travaillait pour des compagnies étrangères et ne cotisait pas en France. Marc, ex-employé de Ryanair et brièvement enregistré en France, a pu, lui, bénéficier de sept mois d’allocation chômage, « de mai à décembre ».

Depuis, il n’a plus de revenus, hormis ses cours. « J’ai aussi fait livreur à vélo pendant deux mois et demi, payé au Smic », détaille-t-il.

Sur les 116 pilotes concernés, une quarantaine n’ont aucune indemnité chômage et vivent de petits boulots ou des minimas sociaux. « J’ai un collègue qui était ingénieur en maintenance aéronautique (avant de passer son brevet de pilote) et qui maintenant lave des façades à Paris », décrit Marc. Un autre est au RSA et vit dans un logement prêté par sa famille, avec sa femme et ses deux enfants.

« Il y a les appels de la Ddass pour s’assurer que tout va bien… Il se retrouve parachuté dans la précarité en venant pourtant d’un milieu assez confortable », détaille Marc.

« Ce sont des gars qui sont passés d’un métier de pilote de ligne avec un vrai salaire, un vrai CDI, à plus rien », explique Nicolas*, un pilote expérimenté qui a longtemps travaillé pour une compagnie low-cost avant de rejoindre Air France. Lui aussi est dans l’attente.

« Absence de visibilité »

Quand la crise a explosé, le marché du travail des pilotes était en pleine expansion depuis environ trois ans, après une longue convalescence post-crise de 2008. « Nous avons tous été surpris par l’ampleur de la déflagration », insiste Marc. « Du jour au lendemain, 95% du trafic s’est effondré sans que nous y soyons préparés ».

D’après Eurocontrol, le retour du trafic aérien au niveau de 2019 n’est pas prévu avant 2024, voire 2029 pour les scénarios plus pessimistes.

La direction d’Air France confirme qu’elle « considère avoir un engagement envers les 116 pilotes » mais se garde de donner des perspectives claires. « Il n’y aura pas de solution tant qu’il n’y aura pas de besoin », assure Guillaume Schmid, vice-président du SNPL, syndicat majoritaire chez les pilotes d’Air France.

Pour le moment, les moyens engagés par Air France plafonnent à entre 40 et 45% de l’activité de janvier 2020.

En attendant, « on a réussi à négocier qu’ils puissent conserver leurs qualifications et on a mis en place des cagnottes pour les plus précaires », poursuit Guillaume Schmid. Même si une rupture conventionnelle collective a permis le départ de 360 pilotes de la compagnie cet été, cette situation d’attente « pourrait durer un certain temps », craint-il.

Le plus dur, « c’est l’absence totale de visibilité », déplore Marc. Surtout que « la plupart des gens sont pieds et poings liés avec des échéances de remboursement » en raison du prix onéreux de leur formation, ajoute-t-il.

Le prix moyen d’un diplôme de pilote va de 60.000 à 100.000 euros dans le privé, sans compter la qualification type Airbus ou Boeing, qui coûte environ 30.000 euros.

AFP