Les prix des PlayStations et des iPhones pourraient grimper cette année à cause d’une pénurie de semi-conducteurs due à un cocktail explosif : boom de la demande d’électronique, chaînes d’approvisionnements chamboulées par le Covid et guerre commerciale, avertissent les experts.
Pendant les confinements dus à la pandémie de Covid-19, les consommateurs se sont rués sur les ordinateurs, tablettes ou consoles de jeu, qui fonctionnent avec des puces.
Parallèlement, le géant technologique Huawei, voyant s’aggraver la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, a fait des stocks de semi-conducteurs l’an dernier, augmentant la pression sur l’offre. Ces tensions sur le marché sont devenues criantes quand les constructeurs automobile ont cherché à se procurer plus de semi-conducteurs, et réalisé que les fabricants donnaient la priorité à l’électronique grand public.
L’automobile est à ce jour la victime la plus visible du manque de puces, avec des géants comme Ford et Volkswagen contraints à réduire leur production, mais d’autres secteurs sont aussi affectés. « La combinaison de la tempête du coronavirus, des hausses des stocks dus à la guerre commerciale, et du changement de paradigme qu’est le télétravail provoque une pénurie de semi-conducteurs », indique Neil Mawston, directeur exécutif de la société de conseil Strategy Analytics. « Tout ce qui a une puce est touché, voitures, smartphones, consoles de jeu, tablettes et ordinateurs portables ». « Les biens électroniques et les véhicules seront produits en moins grand nombre et seront plus chers en 2021 », prévient-il.
Chaîne d’approvisionnement complexe
Les livraisons de certains modèles d’iPhones 12 ont été limitées par manque de composants, selon l’agence Bloomberg. Tandis qu’un déficit de certaines puces a été invoqué pour expliquer les difficultés à se procurer la nouvelle PlayStation 5 de Sony et la dernière console XboX de Microsoft.
Plusieurs fabricants de semi-conducteurs, comme le géant américain Qualcomm et son concurrent AMD, avertissent d’une crise grandissante.
La chaîne d’approvisionnement des semi-conducteurs est complexe. Les géants américains, qui fournissent les fabricants d’électronique grand public, conçoivent les composants mais pour la plupart ne les fabriquent pas. Ce sont des sous-traitants asiatiques, comme Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) ou le sud-coréen Samsung, qui gèrent la plupart des chaînes de production.
Les fabricants ont aussi des difficultés à répondre à la demande de secteurs différents car un changement de mode de production peut leur prendre des mois. Taïwan, qui abrite certaines des fonderies de semi-conducteurs les plus modernes, s’est retrouvé sous la pression des constructeurs automobile et des gouvernements. L’île s’est engagée le mois dernier à renforcer sa production de puces pour les constructeurs, tandis que TSMC a assuré que l’automobile était « sa plus grande priorité », tout en remarquant que ses usines fonctionnaient déjà à plein régime.
Le lancement de la 5G a encore aggravé la situation, avec un besoin d’un grand nombre de puces pour une nouvelle génération de mobiles, d’infrastructure sans fil et d’autres équipements, a souligné GlobalFoundries, un fabriquant de semi-conducteur dont le siège est aux États-Unis et les usines à Singapour.
Au cœur de l’économie mondiale
Washington, qui accuse Huawei, sans avoir publié de preuves, d’avoir dérobé des secrets commerciaux américains, bloque l’approvisionnement du géant chinois en semi-conducteurs conçus à base de technologie américaine. « Quand Huawei a fait des stocks de puces de smartphones, des concurrents ont aussi cherché, dans une moindre mesure, à renforcer leurs réserves pour garantir leur futur approvisionnement » aggravant la pénurie mondiale, a relevé Neil Mawston de Strategy Analytics.
Le manque de puces pourrait retarder la production de près d’un million de véhicules au premier trimestre de cette année, selon la société d’études IHS Markit. Mais les analystes estiment qu’il est encore trop tôt pour mesurer l’impact sur les autres secteurs.
Le déficit devrait se réduire en cours d’année grâce aux campagnes de vaccination qui permettrons aux usines de revenir à un régime normal et des nouvelles usines devraient aussi démarrer. Mais d’autres pénuries pourraient se produire à l’avenir, soulignent les analystes, appelant à plus de production locale dans les pays en demande. « Les semi-conducteurs sont au cœur de l’économie mondiale », souligne GlobalFoundries, appelant les gouvernements à investir et « jouer leur rôle pour aider à combler le décalage clair entre l’offre et la demande ».
LQ/AFP