Une violente bataille politique au Parlement européen menace l’avenir d’un projet de loi imposant des objectifs de restauration des écosystèmes, texte clé du Pacte vert de l’UE catégoriquement rejeté par les eurodéputés conservateurs.
Le Parti populaire européen (PPE, droite), première force politique du Parlement, demande le retrait pur et simple du texte, susceptible selon lui de menacer la production agricole – un rejet exceptionnel jugé opportuniste par les défenseurs du projet un an avant les élections européennes de 2024.
Cette législation fera jeudi l’objet d’un vote serré en commission Environnement, qui devra être confirmé en séance plénière et conditionnera de futurs pourparlers avec les États membres.
Le texte proposé mi-2022 par la Commission européenne imposait aux Vingt-Sept de restaurer d’ici à 2030 les écosystèmes sur 20 % des terres et espace marins de l’UE, puis sur l’ensemble des zones abîmées par la pollution ou l’exploitation intensive (forêts, prairies…) d’ici à 2050.
Le compromis élaboré en commission Environnement modifierait cet objectif, en imposant plutôt des mesures de restauration d’ici à 2030 pour 30 % des écosystèmes abîmés – en ligne avec l’accord à la COP15 biodiversité de Montréal. Le projet prévoit aussi l’extension de zones « à haute diversité » (haies, mares, jachères, tourbières…) avec l’objectif indicatif qu’elles représentent 10 % des terres agricoles à l’échelle de l’UE.
« L’étude d’impact fournie ne précise pas l’impact pour la production agricole, les surfaces protégées, le coût de la vie… On nous demande de signer un chèque en blanc, sans frein d’urgence si ça se passe mal », estime Esther de Lange, vice-présidente du PPE.
Pour l’élue allemande, la législation menace également l’essor des industries vertes, en restreignant potentiellement le minage de matériaux critiques ou l’installation d’énergies renouvelables. Des arguments battus en brèche par la Commission, selon qui l’agriculture est davantage menacée par l’effondrement des pollinisateurs et de la biodiversité.
« Bataille idéologique »
De sources concordantes, le vote se jouera jeudi à quelques voix : outre la droite, quelques élus Renew (libéraux) affichent leurs réticences. Un éventuel rejet devrait être confirmé par l’ensemble des eurodéputés en plénière, avec la possibilité de nouveaux amendements. Mais « politiquement, c’est évident qu’un rejet (jeudi) serait extrêmement difficile à inverser », prévient Pascal Canfin (Renew), président de la commission Environnement.
« On n’est plus dans la logique de compromis normalement à l’œuvre, c’est une pure bataille politicienne, idéologique (…) ce vote contre par principe est une posture incompatible avec la protection environnementale », indique-t-il.
Au cours de longues négociations, le PPE avait pourtant obtenu des assouplissements, qui figurent dans le compromis soumis au vote, notamment sur le principe de « non-dégradation » des écosystèmes ou les critères contraignants de biodiversité des forêts.
« C’est désolant. Je ne vois pas d’autre explication que l’approche des élections et la volonté d’attiser les peurs » du public, conclut l’eurodéputé socialiste Mohammed Chahim.
Équilibre
Les États – dont certains étaient initialement hostiles au texte – sont eux en passe d’adopter une position commune lors d’une réunion des ministres de l’Environnement le 20 juin.
Si le président français Emmanuel Macron avait évoqué une « pause réglementaire », il avait précisé ne pas viser le Pacte vert en négociation. À l’inverse, outre la restauration de la nature, le PPE exige « un moratoire » sur d’autre textes clés en débat, comme l’objectif de réduction des pesticides, mais réfute toute visée électoraliste.
Pascal Canfin souhaitait trouver au Parlement un équilibre sur un ensemble de textes – « restauration naturelle », pesticides, stockage de carbone, émissions polluantes des élevages… mais aussi une proposition attendue début juillet pour encourager les « nouvelles techniques génomiques », que le PPE devrait soutenir.
Un équilibre compromis par le PPE, qui réclame à Bruxelles une nouvelle proposition sur la restauration de la nature. « Cela n’arrivera pas, que cela soit clair », a martelé le 22 mai le vice-président de la Commission Frans Timmermans devant des parlementaires.
« Le Pacte vert n’est pas un ‘menu à la carte’ (…) On ne peut garantir la production alimentaire, les revenus des agriculteurs et une bio-économie prospère si on ne restaure pas la nature », si les sols « sont pollués, ravagés par les pesticides ».
Pour une fois qu’un peu de raison peut l’emporter sur les idéologues fumeux qui veulent nous affamer, comme aux Pays-Bas….