Priorité de l’Union européenne, le chantier visant à réformer la zone euro, avance à pas comptés à cause de divergences parfois profondes entre États membres.
Inquiets, certains pays du nord de l’UE, comme les Pays-Bas, l’Irlande, ou le Danemark ont demandé à ce que les propositions trop « ambitieuses » soient repoussées à plus tard. Les discussions ont longtemps pâti, par ailleurs, de l’absence de gouvernement en Allemagne, après la victoire étriquée d’Angela Merkel aux élections législatives de septembre 2017. La chancelière allemande vient cependant de détailler dimanche sa vision de la zone euro à quelques semaines d’un sommet européen, le 29 juin à Bruxelles, au cours duquel Paris et Berlin doivent dévoiler une « feuille de route » commune sur le sujet.
L’UE considère cette question comme l’une des plus aisées à résoudre et ambitionne « des avancées concrètes » lors du sommet de juin. Il s’agit notamment de mettre en place une garantie européenne des dépôts bancaires, d’abord en réduisant le risque bancaire dans les États membres, puis en le mutualisant. Les discussions, engagées depuis des années, ont progressé il y a dix jours, les États membres étant enfin parvenu à surmonter leurs divergences pour réduire les risques dans le secteur bancaire.
Ce compromis était nécessaire pour que les pays du Nord, Allemagne en tête, acceptent de commencer à discuter d’une mutualisation du risque, eux qui craignent de devoir payer, en cas de faillite, pour les banques du Sud — en particulier les italiennes — qu’ils estiment mal gérées. La France imagine un budget spécifique et assez conséquent pour investir, mais aussi stabiliser la zone euro en cas de choc économique. Il représenterait, selon Emmanuel Macron, « plusieurs points du PIB de la zone euro ».
Le FME pour substituer au FMI
La Commission a proposé en mai un embryon de budget, beaucoup moins ambitieux, via deux instruments distincts: 25 milliards d’euros pour soutenir les réformes jugées prioritaires (retraites, marché du travail…) et jusqu’à 30 milliards d’euros de prêts pour les pays qui subiraient un choc économique important (catastrophe naturelle…). Angela Merkel semble en partie rejoindre Bruxelles, se disant favorable à « un budget d’investissement » de plusieurs dizaines de milliards d’euros et à des prêts à court terme pour les pays confrontés à des crises d’origine extérieure, qui seraient accordés par un futur « Fonds monétaire européen ».
Les 28 ont acté la transformation prochaine du Mécanisme européen de stabilité (MES), chargé de superviser les prêts aux États membres en difficulté, comme la Grèce, en une sorte de « Fonds monétaire européen ». Ce fonds devrait se substituer au FMI, à l’échelle communautaire, pour aider les pays en crise. Il pourrait aussi endosser le rôle de « prêteur en dernier recours » (ou « backstop ») pour les banques en détresse si les mécanismes de sauvegarde déjà prévus s’avéraient inefficaces.
L’Allemagne imagine ce FME comme un organe intergouvernemental avec, en échange des prêts, un droit de regard sur les politiques nationales des États membres, aux côtés de la Commission. Bruxelles préfère un organe communautaire qui n’empiète pas sur ses prérogatives. Emmanuel Macron est resté plutôt vague sur ce nouveau poste, qu’il imagine comme le « véritable responsable exécutif » de la zone euro.
Bruxelles a proposé de créer un « ministre européen de l’Économie et des Finances » en fusionnant la vice-présidence de la Commission européenne et la présidence de l’Eurogroupe -ce cénacle informel qui réunit les 19 ministres des Finances de la zone euro. Mais les ministres de l’Eurogroupe ont implicitement repoussé l’idée en décembre 2017 en élisant l’un des leurs à leur tête, le Portugais Mario Centeno, pour deux ans et demi.
Le Quotidien/AFP