Après des négociations à rallonge, l’Organisation mondiale du commerce est parvenue à un accord sur la surpêche. SI tout n’est pas parfait, les ONG salue l’initiative.
Un premier pas « historique » salué par de grandes ONG: l’accord arraché vendredi à l’OMC est certes un compromis, mais pose les bases d’une lutte concrète contre les milliards de subventions qui favorisent la pêche illégale et la surexploitation d’océans en détresse.
L’Organisation mondiale du commerce est la seule organisation capable d’élaborer et de faire respecter des accords mondiaux pour limiter les subventions qui distordent la concurrence. Elle n’étais jusqu’ici pas parvenue à conclure un accord sur la pêche, un secteur économique très aidé par les gouvernements du monde entier. A l’issue de négociations marathon, achevées à l’aube vendredi à Genève, les 164 membres de l’OMC ont conclu « un accord qui a la durabilité environnementale en son coeur », a souligné sa directrice générale Ngozi Okonjo-Iweala.
« Un premier mais important pas en avant »
Une avancée qu’elle a elle-même décrite comme « un premier mais important pas en avant » en vue de réduire les financements contribuant à la surpêche et à la surcapacité « en mettant fin aux subventions à la pêche en haute mer ». « Un tournant dans la lutte contre l’un des principaux facteurs de la surpêche mondiale », pour l’ONG Pew Charitable Trusts, « une avancée cruciale » pour le think tank IISD (Institut national pour un développement durable), un « catalyseur » pour le Fonds mondial pour la nature (WWF), un « pas de géant pour la transparence » selon Bloom: les ONG luttant pour la sauvegarde des océans savourent ce moment après plus de 20 ans de lutte.
« Le nouvel accord est le fruit d’un compromis entre 164 pays, il n’est donc pas parfait », a déclaré Marco Lambertini, directeur général du WWF International. « Mais l’océan a besoin d’aide maintenant, et les écosystèmes marins, ainsi que les communautés côtières ne peuvent pas attendre une solution parfaite. L’OMC a conclu un accord qui devrait servir de catalyseur à la poursuite de la réforme des subventions et de la pêche », a-t-il estimé. L’ONG Bloom y voit « un premier pas historique pour l’océan » et « un pas de géant pour la transparence ».
Rare voix discordante, l’ONG Oceana a regretté que l’accord n’ait pas mis fin purement et simplement aux subventions à la surpêche: « nos océans sont les grands perdants aujourd’hui », a déclaré son directeur général, Andrew Sharpless.
« De la torpeur au pragmatisme »
Selon une étude régulièrement citée par les experts et dont Bloom est coauteur, les subventions mondiales à la pêche s’élevaient à 35,4 milliards de dollars en 2018, dont plus de 80% étaient accordées au secteur de la pêche industrielle et considérées comme responsables de l’augmentation de la capacité des flottes de pêche.
L’OMC n’a pas mis fin à « toutes les aides néfastes encourageant la surpêche » mais l’objectif de sa directrice était de sortir l’organisation de « la torpeur dans laquelle l’institution était tombée »: objectif atteint pour Bloom, la fondatrice Claire Nouvian saluant auprès de l’AFP « le pragmatisme » et la « volonté ». L’accord trouvé à Genève porte sur trois points majeurs, explique-t-elle.
Plus de subventions pour les pêches illégales
Premièrement, l’interdiction des subventions aux pêches illégales, non déclarées et non réglementées, avec un délai de deux ans accordé aux pays les moins développés dans leur zone économique exclusive (article 3), c’est-à-dire jusqu’à 200 milles marins. Deuxièmement, l’interdiction des subventions aux pêches ciblant des stocks de poissons surexploités, avec un délai de deux ans pour les pays les moins développés et en développement (article 4). Cet article faisait notamment l’objet d’un bras de fer avec l’Inde, qui avait menacé mardi de bloquer la finalisation de l’accord si une « période de transition de 25 ans » ne lui était pas accordée.
Le texte prévoit qu’un « État maintienne ou accorde des subventions si ces subventions ou d’autres mesures ont été mises en place pour reconstruire le stock à un niveau biologique durable », selon Bloom, qui alerte sur cette exemption « car elle peut ouvrir un gouffre de complicité entre lobbies industriels et États pour mettre en place de « fausses » mesures de reconstruction des populations de poissons ».
Enfin, l’accord crée une norme internationale de transparence (article 8) en rendant obligatoires les notifications des subventions accordées par les États. « Nous n’avions aucun mécanisme de suivi, nous avons maintenant un cadre. C’est vraiment très important », a déclaré à l’AFP Isabel Jarrett, responsable de l’ONG Pew.