Le pionnier japonais du jeu vidéo Nintendo espère écouler 10 millions d’exemplaires de sa Switch dans l’année d’avril 2017 à mars 2018, un objectif qui apparaît prudent compte tenu du bon départ de cette console polyvalente lancée début mars.
« C’est réaliste et ce total a même des chances d’être dépassé », a réagi Serkan Toto, analyste de Kantan Games, qui souligne que des jeux forts vont arriver. Même avis pour Hideki Yasuda, de l’institut Ace Research, qui a estimé dans une note que « Nintendo pourrait écouler durant l’exercice 13 à 16 millions d’unités ».
Au cours du seul mois de mars (le dernier de l’exercice 2016/17), 2,74 millions sont déjà parties.
La prévision de Nintendo, couplée à un objectif de vente de 35 millions de jeux pour ladite Switch, lui fait espérer un bond de quelque 53,3% de son chiffre d’affaires annuel à 750 milliards de yens (6,25 milliards d’euros) et un bénéfice d’exploitation plus que doublé à 65 milliards de yens.
La maison mère de Mario table de facto clairement sur la Switch pour se relever d’une crise qui dure depuis des années. Si son bénéfice net 2016/17 a certes été sextuplé sur un an à 102,57 milliards de yens (855 millions d’euros), cette performance est entièrement due à un gain exceptionnel lié à la vente d’actifs dans une équipe de baseball américaine, apport unique qui masque une nouvelle détérioration opérationnelle.
Le bénéfice net de 2017/18 devrait reculer de 56%, faute de nouveau gain exceptionnel attendu.
Nintendo espère désormais que ses déboires appartiennent au passé et que la stratégie initiée par Tatsumi Kimishima, le successeur de feu le légendaire patron Satoshi Iwata, permettra un vrai rebond, comme l’avaient provoqué en leur temps les premières moutures de consoles de poche DS (deux écrans) et fixe Wii, la première à utiliser la reconnaissance de mouvements.
Avec la Switch, les jeux existants et ceux qui vont sortir (Mario Kart, Splatoon 2), Nintendo pense marquer des points sans pour autant se retrouver en concurrence frontale avec Sony qui jouit d’un énorme succès avec la PlayStation 4 (plus de 53 millions de possesseurs dans le monde depuis son lancement fin 2013).
La Switch, qui est encore souvent en rupture de stock dans de nombreuses boutiques au Japon plus d’un mois après sa sortie, ne rivalise pas sur les performances techniques, mais sur la polyvalence et la liberté de jeu, à la maison connectée à la télé, ou n’importe où en emportant avec soi le petit écran amovible et les deux manettes.
Au Japon, la Switch s’est vendue à 600.000 exemplaires, et Nintendo n’a pas réussi à alimenter les magasins suffisamment, privilégiant les Etats-Unis et l’Europe. « Or, ce faisant, le risque est de voir l’élan des acheteurs nippons retomber » avant le prochain arrivage, met en garde M. Yasuda.
Aux Etats-Unis, 1,2 million de Switch ont été vendues, et 940.000 en Europe.
La Switch a donc une mission salvatrice à accomplir. Car depuis la forte montée en puissance des jeux sur mobiles, Nintendo est à la peine.
Sa gamme de consoles 3DS a souffert même si elle a bénéficié en 2016/17 de nouvelles variantes et du succès de jeux Pokemon, eux-mêmes ayant eu un regain de notoriété grâce au phénomène Pokemon Go sur mobile. Ce titre à base de réalité augmentée (AR) a été développé par le studio américain Niantic mais Nintendo en a indirectement profité. Quelque 7,27 millions de 3DS ont été écoulées en un an, plus que l’année précédente, portant le cumul de la gamme à 66,12 millions d’exemplaires.
Aujourd’hui remplacée par la Switch, la console de salon Wii U, elle, est arrivée en fin de vie sans jamais avoir vraiment rencontré son public. Seulement 760.000 unités ont trouvé preneurs dans le monde entre avril 2016 et mars 2017, et le cumul total mondial depuis la commercialisation fin 2012 a plafonné à 13,56 millions.
Si les prévisions de Nintendo se réalisent cette année, le groupe devrait avoir vendu en un an et un mois presque autant de Switch qu’il a écoulé de Wii U en quatre ans et demi.
L’an passé, le chiffre d’affaires de Nintendo a chuté de 3% sur un an à 489 milliards de yens (4,1 milliards d’euros), et son bénéfice d’exploitation de 11% à 29,36 milliards.
Le Quotidien / AFP