Il devait sauver la liberté d’expression pour la droite, libérer des discours haineux selon la gauche, mais n’ira pas au bout: la décision d’Elon Musk de se retirer de l’accord d’achat de Twitter a divisé le monde politique américain.
« L’accord Twitter est mort, longue vie à Truth », a écrit Donald Trump sur le réseau social homonyme, traduction de « vérité » et porte-voix numérique de l’ancien président républicain depuis son éjection de Twitter. Elon Musk avait évoqué en mai la levée de ce bannissement, envisageant de manière générale une modération bien moins stricte sur l’influent réseau social, ce qui avait rendu sa volonté de rachat alléchante aux yeux d’une partie de la droite américaine.
A l’inverse, la perspective d’une prise de contrôle de Twitter par cet entrepreneur extravagant aux tendances libertariennes avait alarmé certains à gauche, où l’on se réjouit aujourd’hui d’un projet avorté — tout en demeurant prudent pour la suite.
C’est « un répit bienvenu pour les femmes, les gens de couleur et les membres de la communauté LGBTQ+ », a réagi l’organisation féministe UltraViolet, qui craignait qu’un Twitter sous le contrôle du patron de Tesla et SpaceX « libère un flot de haine ».
L’économiste progressiste et prix Nobel Paul Krugman s’est moqué lui de l' »impulsivité mal contrôlée » d’Elon Musk, le comparant au Premier ministre britannique Boris Johnson, démissionnaire. Depuis des semaines, diverses prises de position d’Elon Musk laissaient planer le doute sur sa réelle volonté de finaliser l’accord signé le 25 avril pour 44 milliards de dollars. L’annonce de son retrait, vendredi, a ouvert la voix à une longue bataille juridique sur l’issue du dossier.
« Caprices »
Cette saga montre que « notre écosystème de l’information, sa sécurité, et la démocratie, ne doivent pas rester à la portée des caprices de milliardaires qui ne rendent de comptes à personne », a estimé Nicole Gill, directrice exécutive de Accountable Tech.
Cette association, qui milite pour responsabiliser les grandes entreprises numériques, avait lancé avec d’autres début juin une initiative visant à bloquer l’opération. Ensemble, elles « avaient bien montré qu’Elon Musk, en rachetant Twitter, voulait seulement défendre son idéologie droitière », a ajouté UltraViolet dans son communiqué.
C’est bien une certaine déception qui semble désormais toucher le camp Trump, lui-même ayant vu son compte — avec ceux de Facebook et YouTube — suspendu en janvier 2021, les plateformes l’accusant d’avoir incité ses partisans à la violence avant l’assaut contre le Capitole.
« Je suis quasi sûr que la censure qu’ils pratiquaient, quelle qu’elle soit, va être multipliée par dix », a écrit Donald Trump Jr., le fils, sur le réseau « Truth » lancé par son père. « Il n’y a aucune chance d’avoir une liberté de pensée ou d’expression là-bas désormais », a-t-il ajouté.
« C’était la dernière chance de sauver quelque chose de bien du cauchemar » des GAFA, a écrit l’observateur politique conservateur Dave Rubin, sur Twitter. « La fête est bel et bien terminée. La purge arrive », a-t-il ajouté.
Pour un autre détracteur de Twitter, le retrait du milliardaire « n’est pas une surprise », mais « on doit reconnaître à Musk d’avoir encore mis en lumière une culture incurable, pourrie, de discrimination politique » au sein de l’entreprise, a écrit Jason Miller, ancien conseiller de Donald Trump et fondateur d’un autre réseau social ultra-conservateur, Gettr.