Le gendarme français des données personnelles a prononcé mercredi contre l’agrochimiste Monsanto une amende administrative de 400 000 euros pour avoir fiché illégalement des personnalités, journalistes et militants dans le but d’influencer le débat public sur l’interdiction du glyphosate.
La Cnil, destinataire de sept plaintes « émanant notamment de personnes concernées par ce fichier », reproche à la société propriété de Bayer d’avoir manqué à son obligation d’information des personnes, qui n’ont appris l’existence de ce traitement de données que lors de sa révélation dans les médias en mai 2019. « La création de fichiers de contacts par les représentants d’intérêts à des fins de lobbying n’est pas, en soi, illégale. En revanche, ne peuvent figurer dans ce fichier que des personnes qui peuvent raisonnablement s’attendre, en raison de leur notoriété ou de leur activité, à être l’objet de contacts du secteur », explique la Commission.
Il faut de plus que « les données inscrites dans le fichier aient été collectées légalement et que les personnes soient informées de l’existence du fichier, afin de pouvoir exercer leurs droits, notamment leur droit d’opposition. » « L’information est un droit essentiel qui conditionne l’exercice des autres droits (droits d’accès, d’opposition, d’effacement…) dont bénéficient les personnes : dans ce cas, elles en ont été empêchées durant plusieurs années », insiste la Cnil, qui a également relevé un manquement à l’obligation d’encadrer les traitements de données effectués par des sous-traitants.
Plusieurs pays d’Europe ciblés
Selon l’enquête, le fichier en question contenait pour chacune des « plus de 200 personnalités » inscrites dans le fichier, une « note de 1 à 5 » permettant « d’évaluer son influence, sa crédibilité et son soutien à la société Monsanto sur divers sujets tels que les pesticides ou les organismes génétiquement modifiés ».
L’affaire révélée en 2019 s’était rapidement étendue à l’Europe. Des listes de personnalités (politiques, scientifiques, journalistes) existaient également dans au moins six autres pays (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Pologne, Espagne, Royaume-Uni) ainsi que pour les institutions européennes, avait indiqué Bayer qui avait présenté ses excuses.
Le chimiste allemand, propriétaire de Monsanto depuis 2018, avait mis un terme « jusqu’à nouvel ordre » à sa collaboration en matière de communication avec l’agence Fleishman Hillard, qui avait établi ces fichiers pour le compte de l’américain Monsanto.
La justice française avait également ouvert une enquête sur des soupçons de fichage illégal qui vise notamment le chef de « collecte de données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ».
LQ/AFP