La mission économique à Dubai s’est achevée mardi. Le ministre de l’Économie, Franz Fayot, fait le point.
Le ministre Franz Fayot était accompagné à Dubai d’une délégation de représentants de 9 institutions et 36 entreprises pour participer à une mission économique de trois jours aux Émirats arabes unis centrée sur le spatial.
Quel bilan tirez-vous de cette mission économique à Dubai ?
C’est la première mission économique depuis la pandémie, donc c’est d’abord une sorte de retour à la normale. On sent que les gens étaient heureux de pouvoir se revoir en présentiel et échanger de vive voix, après le temps des webinaires et des missions digitales.
De plus, le bilan de cette mission est très bon. On constate qu’il y a un grand intérêt de la part des entreprises. Avec 64 représentants d’entreprises et d’institutions, la délégation de la Chambre de commerce était vraiment importante. Le secteur spatial connaît un véritable essor. D’ailleurs, en un an seulement, nous sommes passés de 50 à 70 entreprises répertoriées dans ce domaine. Sur notre stand au Congrès international d’astronautique (IAC), les huit exposants ont déjà établi de nombreux contacts. Toutes les entreprises présentes à l’IAC ont pu progresser dans leur démarche commerciale. C’est donc une réussite.
En ce qui concerne notre pavillon à l’Expo 2020, celui-ci rencontre un beau succès auprès du public et de la presse étrangère, et nos partenaires et sponsors sont eux aussi très satisfaits.
Je suis également très content des annonces que nous avons faites, comme le lancement du programme European Space Resources Innovation Centre (ESRIC) ou la clôture du fonds Orbital Ventures à 120 millions d’euros, ainsi que des différents accords que nous avons signés. Là aussi, c’est un beau succès.
En tant que ministre de la Coopération, avez-vous pu aborder la question de l’utilisation des ressources spatiales pour les pays du Sud ?
J’ai en effet pu échanger avec un certain nombre d’institutions et d’entreprises sur la manière dont nous pourrions mettre à contribution le volet du spatial au niveau de la coopération et de l’action humanitaire. Nous sommes en train de réfléchir aux applications possibles, mais on sait déjà qu’il y en a beaucoup à partir de l’observation de la Terre, pour mieux faire face au changement climatique, pour l’agriculture, etc.
Nous investissons dans l’espace et il y aura des retombées économiques très fortes
Des critiques ont été émises au sujet du coût du pavillon. Que répondez-vous ?
Tout d’abord, le budget initialement prévu de 32 millions d’euros n’a pas été dépassé malgré le Covid, ce qui n’allait pas de soi. Beaucoup d’autres pays présents à l’Exposition universelle n’ont pas réussi à maintenir leur budget. Notre pavillon est financé aux deux tiers par l’État et à un tiers par le secteur privé, nos partenaires et nos sponsors. Cela représente 7,5 millions d’euros, tandis que l’État a pris en charge 24,5 millions.
Mais il faut surtout prendre en considération la visibilité considérable dont nous allons bénéficier avec ce pavillon, et ce, pendant six mois. Ce pavillon représente donc une vitrine sur le monde, qui n’a pas de retour sur investissement direct, mais qui offre des occasions de nouer des contacts avec des partenaires potentiels aux Émirats, voire du monde entier. Selon moi, les opportunités et l’avantage que représente le fait d’être présent ici à Dubai prévalent sur les coûts. C’est le genre d’investissement qu’un pays qui se prend au sérieux doit faire tous les cinq ans dans le cadre d’une Exposition universelle.
Et que pensez-vous des critiques par rapport au financement des missions spatiales ?
C’est plus ou moins pareil que pour le pavillon : c’est un investissement. Dans la niche que nous avons choisie – celle des ressources spatiales –, on estime que c’est un secteur encore assez peu développé à l’heure actuelle, mais qui va vraiment exploser dans les années à venir. Il pourrait représenter un trillion de dollars (soit mille milliards !) d’ici à 2050 ou 2060.
Ce secteur a un potentiel énorme et notre pays est à la pointe, même si ce n’est pas toujours connu au Luxembourg. En plus, il crée de l’emploi qualifié. Alors oui, nous investissons dans l’espace, mais je suis sûr qu’il y aura des retombées économiques très fortes, tant en termes d’emplois qu’en termes financiers. Par exemple, l’entreprise Spire Global (NDLR : fournisseur mondial de données spatiales, d’analyses et de services spatiaux) est entrée en Bourse début août à New York et elle a déjà pris une valeur qui représente le multiple de ce que l’État luxembourgeois y a investi. Nous avons nettement récupéré notre argent.
Quel est le potentiel économique du secteur spatial au Luxembourg à plus ou moins long terme ?
Pour l’instant, ce secteur (avec les télécommunications) représente environ 1 000 emplois à Luxembourg et à peu près 2% du PIB. C’est encore relativement peu, mais encore une fois, le potentiel est vraiment considérable. C’est en tout cas un secteur dynamique et qui connaît une croissance assez forte : en quelques années à peine, l’emploi y a augmenté de 28%. Nous avons pour objectif d’atteindre 10% du PIB (hors secteur financier, la comparaison n’est pas signifiante tant ce dernier est important au Luxembourg) et envisageons en tout cas de doubler l’importance du secteur d’ici trois à quatre décennies.
Entretien avec Tatiana Salvan, à Dubai