Masques pour les quelque 13 000 salariés français et contrôle de la température : le géant américain du commerce en ligne Amazon a réagi vendredi face à la grogne des organisations syndicales, sans calmer toutes les inquiétudes face à l’épidémie de Covid-19.
« On va même plus loin que ce que demande le gouvernement » : vendredi au micro de RTL, le directeur général d’Amazon France, Frédéric Duval, a martelé son message. « On applique depuis le début toutes les recommandations faites par le gouvernement de façon très stricte et de façon progressive à mesure que celles-ci apparaissent. » En outre, « à partir d’aujourd’hui, dans tous les bâtiments Amazon France, les salariés seront équipés de masques à leur demande », a-t-il assuré. De plus, « dès lundi, nous aurons un contrôle de la température par caméra thermique à l’entrée des sites en France ».
« Il y a beaucoup d’effets d’annonces », rétorque Yves Quignon, secrétaire général de l’union locale de la CGT du Douaisis. Cette dernière a déposé plainte mardi au pénal contre Amazon pour mise en danger de la vie d’autrui, après que la direction a refusé aux salariés du site de Lauwin-Planque (Nord) d’exercer leur droit de retrait. « On nous parle d’un masque par jour, alors qu’il faut normalement les changer toutes les quatre heures », note-t-il. « Par ailleurs, on pense que les masques seraient plus utiles à nos soignants, qui en manquent partout dans le territoire, plutôt que destinés à poursuivre une activité qui n’est pas essentielle pour le pays. »
« Sauf à habiller les salariés en cosmonautes, les règles de distanciation ne peuvent pas être observées. La concentration des travailleurs les rend inopérantes », appuie Laurent Degousée, représentant syndical de Sud Commerce, le premier syndicat au sein d’Amazon en France. Sud Commerce doit d’ailleurs déposer vendredi au tribunal des prud’hommes de Nanterre onze dossiers de droits de retrait de salariés contestés par Amazon. Le syndicat réclame toujours « la fermeture des six entrepôts en France pour au moins 15 jours », avec chômage partiel « et a minima qu’Amazon, qui assure ne livrer que des produits essentiels, soit 10% du total des marchandises, n’emploie que 10% du personnel ».
« Pressions » et « insuffisances » pointées par le gouvernement
Le géant américain avait annoncé le 21 mars cesser de prendre des commandes jugées « moins prioritaires » sur ses sites français et italien pour se concentrer sur les produits les plus demandés, d’hygiène ou de base. Une source syndicale CFDT de l’entrepôt de Saran, dans le Loiret, se montre sous couvert d’anonymat dubitatif sur cette mesure. « On a eu des collègues qui nous disent que cela n’a pas été appliqué et ce dès le 17 mars. » Interrogée sur les annonces du directeur général d’Amazon, cette source juge que la prise de température est « une bonne initiative », même si des personnes peuvent être asymptomatiques ». Concernant les masques, « on peut se demander s’ils ne peuvent pas être affectés à la santé », observe-t-elle.
Mi-mars, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire avait déjà évoqué « des pressions inacceptables » de la part d’Amazon, accusé de ne pas payer des salariés souhaitant exercer leur droit de retrait. Dimanche, la ministre du Travail Muriel Pénicaud avait jugé de son côté que les mesures de protections des salariés mises en place par Amazon étaient encore insuffisantes. « J’ai eu Mme la ministre au téléphone et je l’ai invitée à venir voir par elle-même dans nos centres de distribution », a déclaré Frédéric Duval vendredi, assurant discuter « de façon quotidienne avec les organisations syndicales ». « Je souhaite que nous ayons, Amazon, un rôle modeste de gestion de cette crise, que nous soyons un recours pour bon nombre de Français pour rester à la maison », a encore plaidé Frédéric Duval.
La grogne sociale contre le géant américain ne se limite pas à la France, puisque lundi, plusieurs dizaines de salariés de l’entrepôt new-yorkais d’Amazon à Staten Island, au sud de Manhattan, ont observé un arrêt de travail.
LQ/AFP