En visite ce lundi au Luxembourg, les membres de la commission spéciale sur les rescrits fiscaux (tax rulings) du Parlement européen viennent de rencontrer les députés luxembourgeois des commissions parlementaires des Finances et du budget, et des Affaires étrangères. Témoignage de son président, Alain Lamassoure.
À la sortie de la réunion, le président de la commission spéciale du Parlement européen, Alain Lamassoure, a souhaité mettre un terme à certaines polémiques : «Nous voulons travailler dans l’intérêt général de tous les citoyens. Il ne s’agit pas de dire qu’en Europe il y a de bons et de mauvais élèves. Non, il y a des mauvaises pratiques !», a-t-il déclaré au terme de plus d’une heure et demie de débats à huis clos. Puis l’ancien ministre du Budget de Jacques Chirac de préciser que la France n’y échappe pas : «Je suis Français et j’ai constaté que dans mon pays de grandes entreprises publiques multinationales, donc contrôlées par l’Etat, arrivent à faire de l’évasion fiscale. C’est scandaleux et il faut y mettre fin !»
La présidence luxembourgeoise de l’UE pour faire avancer la cause de l’équité fiscale
Par ailleurs, selon l’actuel député européen du PPE, «d’une certaine façon, chaque pays des 28 de l’UE est un paradis fiscal pour quelqu’un. Nous devons arriver à avoir la même définition au niveau européen, de ce qu’est un bénéfice imposable. Et nous devons nous mettre d’accord, lorsqu’une entreprise travaille dans plusieurs pays, comment l’on doit se répartir la ressource fiscale générée par ces activités dans plusieurs pays. La Commission européenne y travaille. Le Parlement européen y travaille. En liaison avec les parlements nationaux. Ce sont les élus des peuples nationaux qui vont décider en matière fiscale. Et aussi au niveau mondial avec l’OCDE. Je suis persuadé que la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE peut être décisive pour faire avancer la cause de l’équité fiscale. Nous travaillons dans cet esprit.»
Nécessité d’un statut européen pour protéger lanceurs d’alerte et journalistes
Concernant la protection des lanceurs d’alerte et des journalistes (dont certains inculpés par la justice luxembourgeoise dans l’affaire LuxLeaks), Alain Lamassoure s’est voulu catégorique expliquant qu’il s’agit d’une recommandation déjà votée par le Parlement européen lors de sa dernière réunion, et qui sera faite sur le principe de la nécessité d’avoir un statut européen les protégeant. Le Parlement européen a d’ailleurs également déjà demandé à la Commission européenne de mettre des propositions sur la table.
Concernant l’ampleur du phénomène, Alain Lamassoure a souligné qu’il avait été ministre français du Budget et qu’il connaissait le sujet. Et de poursuivre : «Mais je ne connaissais pas les chiffres qui m’ont scandalisé, comme tout le monde. Ce sujet est subitement connu des 500 millions de citoyens européens.»
« Débats intéressants, mais frustrants à la fois »
Enfin, concernant la tenue des débats à la Chambre des députés, Alain Lamassoure les a décrits comme «très intéressants» : «Tous les porte-paroles de chaque groupe politique ont pu s’exprimer. C’est à la fois intéressant et frustrant, parce qu’on aurait eu matière à travailler deux heures de plus.» Ceci dit, il a ajouté que les discussions seront bien évidemment approfondies et qu’elles ne se feront, cette fois, pas à l’abri des caméras.
En effet, la commission spéciale sur les rescrits fiscaux organisera, le 17 juin, une conférence interparlementaire au Parlement européen à Bruxelles, à laquelle seront invités tous les représentants des commissions des finances des parlements nationaux. «À cette occasion, chacun dira quelle est la situation dans son pays et quelle est la meilleure solution possible pour l’Europe», a souligné Alain Lamassoure.
Puis de conclure en ces termes : «Je crois qu’on se comprend mieux. C’est un problème qui fait à la fois le charme et la difficulté de l’Europe : nous sommes des pays différents qui ont des traditions différentes. Et parfois, les mêmes partis politiques n’ont pas les mêmes positions ou les mêmes mots pour exprimer les mêmes idées. La première chose est de se connaître. Du moment que l’on se connaît, on se comprend. Et du moment que l’on se comprend, on se fait confiance. Et on peut ensuite se comprendre sur les vrais sujets de divergence en ayant éliminé les malentendus.»
Alain Lamassoure a été accueilli devant la Chambre par une cinquantaine de manifestants du collectif GlobalTaxJustice. Il a poursuivi sa visite au Luxembourg en étant reçu par le ministre des Finances, Pierre Gramegna.
Claude Damiani
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