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Luxembourg : «on nous traite comme des torchons de plancher !»  


Ce qu'ils réclament ? Une prime unique de 500 euros et deux jours de congés pour les 11 200 salariés que compte le secteur. Qui leur sont strictement refusés à ce jour, alors que cette profession s'est retrouvée, comme les soignants et beaucoup d'autres, elle aussi en première ligne de la pandémie (photos : Fabrizio Pizzolante).

Plusieurs centaines d’agents du secteur du nettoyage ont manifesté jeudi devant la Chambre des métiers pour dénoncer les négociations infructueuses concernant leur convention collective.

C’est déjà la sixième tentative de négociation. Depuis douze mois, les discussions concernant le renouvellement de la convention collective des entreprises de nettoyage sont dans une impasse totale. Alors que les syndicats ont déjà fait d’importantes concessions en acceptant de ne conserver que deux de leurs dix-neuf revendications de départ, la Fédération des entreprises de nettoyage (FEN) continue de faire la sourde oreille et de balayer d’un revers de main les requêtes des salariés.

Délégués syndicaux de l’OGBL et du LCGB, employés, membres de la Grève des femmes (le secteur est à 85 % féminin), se sont donc rassemblés jeudi pour organiser un piquet de protestation. Ils étaient plus de 400 à avoir fait le déplacement jusqu’au Kirchberg, devant la Chambre des métiers, vent debout contre le mépris du patronat, drapeaux et pancartes à la main et coups de sifflets véhéments.

Ce qu’ils réclament ? Une prime unique de 500 euros et deux jours de congés pour les 11 200 salariés que compte le secteur. Qui leur sont strictement refusés à ce jour, alors que cette profession s’est retrouvée, comme les soignants et beaucoup d’autres, elle aussi en première ligne de la pandémie.

«Les agents de nettoyage venaient travailler la peur au ventre. Ils ont répondu présent et mis littéralement leur vie en danger, car au début de la crise, il n’y avait pas toutes les protections actuelles : pas de masques, de gants ni de gel hydroalcoolique», rappelle Estelle Winter, secrétaire centrale pour le syndicat Services privés de nettoyage de l’OGBL. «C’est une injustice totale», estime pour sa part Bento Pires, secrétaire syndical adjoint du LCGB.

Des invisibles essentiels

En date du 9 novembre dernier, la FEN a proposé un moratoire avec prolongation de la convention collective jusqu’à la fin de l’année 2021 ainsi qu’un changement du mode de calcul de la prime d’assiduité. «Ils veulent donner une prime d’assiduité si on n’est pas malade pendant quinze jours, explique Lita Santos, présidente de la délégation Dussmann et vice-présidente du LCGB, mais si on est en quarantaine en raison du Covid, on perd cette prime!»

Le patronat se retranche derrière une baisse de l’activité du fait de la crise du coronavirus, entre fermetures des entreprises et diminution des prestations en raison du télétravail. Des balivernes pour les protestataires, qui assurent qu’il en va différemment sur le terrain, comme le fait remarquer Estelle Winter : «Non seulement il y a eu 15 créations d’entreprises de nettoyage en 2020 – on en comptait 170 en 2019, 185 en 2020 – mais surtout, les annulations de contrat de certains clients ont été compensées par les demandes de désinfection de sites qui se sont rajoutées au travail habituel des employés de ménage! La preuve : le recours au chômage partiel a été très minime et il y a même eu des embauches dans le secteur. Certains patrons ont même largement dépassé leur chiffre d’affaires initialement prévu pour 2020.»

«Le secteur du nettoyage se porte bien. Les agents de nettoyage font face aujourd’hui à de nouvelles tâches liées au Covid-19 et cela sans pour autant négliger les autres tâches quotidiennes. Ils ont accepté d’être flexibles, de s’adapter aux contraintes de planning et autres exigences du patronat, comme l’utilisation de leur téléphone portable privé pour la société», complète Bento Pires.

Un manque de reconnaissance que les salariés du secteur ne peuvent plus endurer, rapporte Lita Santos : «Ces salariés sont invisibles. Les femmes de ménage ont été complètement oubliées pendant cette pandémie, y compris par le gouvernement. Et l’ITM ne bouge pas. Elles sont encore oubliées avec les vaccins : dans les maisons de soin par exemple, tout le monde est vacciné sauf les femmes de ménage. On passe derrière tout le monde.»

«Nous refusons d’être traités comme des torchons de plancher!», s’insurge Estelle Winter, qui rappelle le caractère indispensable de la profession : «Ces métiers sont plus importants que jamais. La crise sanitaire a rendu visible ce qui ne l’était pas : le nettoyage est un service essentiel duquel la société ne peut plus se passer, que ce soit dans les hôpitaux, les transports en commun, les commerces, les maisons de soins ou les ménages privés. C’est la première mesure de prévention contre toute crise sanitaire!»

Une chose est sûre, les syndicats ne comptent pas en rester là. «Cette protestation est un véritable avertissement à prendre très au sérieux. Sans réaction de la part de la fédération, d’autres actions s’ensuivront!», a prévenu Bento Pires.

Tatiana Salvan