Julien Licheron, chercheur au Liser, s’est attaché à montrer l’évolution «assez impressionnante» des prix des logements ces huit dernières années, lors d’une conférence organisée jeudi. En effet, entre le 1er trimestre 2010 et le 2e trimestre 2018, au Luxembourg la hausse annuelle des prix se chiffre à 4,7 % !
Le marché du logement au Luxembourg est à la fois petit et très tendu. Il était au cœur, jeudi soir, d’une conférence organisée par la Spuerkeess pour ses clients dans le cadre de son cycle de conférences sur le logement. Julien Licheron, coordinateur de l’Observatoire de l’habitat et chercheur au Liser, a donné les clés pour comprendre ce qui se passe dans ce marché si particulier.
Au rayon des chiffres, on apprend que le pays compte près de 233 700 logements. Cinquante et un pour cent d’entre eux sont des maisons unifamiliales et 49 % des appartements. Depuis 2010, 2 700 logements ont été construits par an. Trente-huit pour cent étaient des maisons unifamiliales et 62 % des appartements. On constate surtout que la surface habitable moyenne est très grande : 130 m2. Il s’agit, d’après Julien Licheron, de la «troisième plus grande surface de l’UE». Bien que la surface moyenne des maisons soit de 166 m2 et celle des appartements de 87 m2, il ne faut pas oublier que le marché propose «beaucoup de petites surfaces et de grands appartements». Ce n’est pas une surprise : le Grand-Duché est un pays de propriétaires. Les chiffres mis en avant par le coordinateur de l’Observatoire de l’habitat le prouvent : 74 % de la population luxembourgeoise possédait son logement en 2016 selon Eurostat. Il n’y a que 22 % de locataires sur le marché privé.
Des locations plus chères
Les locataires dans le parc «social» ne représentent que 2 % de la population. Une part congrue. Mais comme le dit Julien Licheron, le logement social n’existe pas en tant que tel au Luxembourg.
Les prix de vente sont élevés. Au 30 juin 2018, il fallait compter en moyenne près de 420 000 euros pour un appartement existant et plus de 520 000 euros pour un appartement en construction. Le loyer moyen pour un appartement dépasse les 1 500 euros, toujours en moyenne, celui de la maison est à 2 738 euros d’après l’Observatoire de l’habitat.
L’orateur de la conférence s’est attaché à montrer l’évolution «assez impressionnante» des prix des logements ces huit dernières années. En effet, entre le 1er trimestre 2010 et le 2e trimestre 2018, la hausse annuelle est de 4,7 %. Les prix qui ont le plus progressé sont ceux des maisons existantes (+5 %). Si on regarde sur les douze derniers mois, (entre le 2e trimestre 2017 et le 2e trimestre 2018), la hausse des prix est de 5,1 %. Selon le chercheur du Liser, «les prix ont augmenté de manière régulière depuis 2010. C’est la spécificité du Luxembourg».
Et du côté de la location, que se passe-t-il ? Entre le 1er trimestre 2010 et le 2e trimestre 2018, les prix des appartements (anciens et neufs) ont flambé (+4,5 %), idem pour les maisons (anciennes et neuves) (+2,9 %). Sur les douze derniers mois (entre le 2e trimestre 2017 et le 2e trimestre 2018), les prix des appartements ont explosé (+8,8 %), les maisons connaissent une hausse beaucoup plus modeste (+0,8 %). Une chose est certaine, «cela fait deux ans que les loyers ont augmenté plus vite que l’inflation», souligne Julien Licheron. Alors, qu’est-ce qui explique cette hausse des prix? D’après le chercheur, il y a une demande en logements en hausse constante qui est soutenue par la croissance démographique «liée à une croissance économique» et à des taux d’intérêt historiquement bas ainsi qu’à des conditions de crédit favorables.
«Un effet Luxembourg-Ville»
L’offre de logements ne suit pas cette demande. Le nombre de logements construits n’augmente pas comme il le faudrait et surtout, il y a une «difficulté» à mobiliser du foncier pour des futures constructions.
Le chiffre est impressionnant : entre 50 000 et 80 000 logements pourraient être construits sur 2 719 hectares de terrains habitables. Le problème majeur n’est donc pas un manque de terrain disponible mais bien une difficulté à «mobiliser» les terrains «identifiés comme disponibles pour l’habitat» dans les PAG des communes. Se pose alors la question de savoir s’il y a une bulle immobilière au Luxembourg. Pour Julien Licheron, la réponse est non. Cette hausse résulterait d’un fonctionnement normal du marché qui a une offre limitée et une demande forte en logements. Après avoir montré les différences de prix sur le territoire, le chercheur assure que le temps de déplacement entre la capitale et les autres villes du pays explique cette disparité parfois très importante. Il y a «un effet Luxembourg-Ville». La Ville joue un «rôle d’attracteur pour le marché». Entre 2009 et 2017, le prix de vente d’un appartement à Luxembourg est passé de 4 000 à 7 000 euros le mètre carré. La hausse observée dans le nord du pays est plus modérée que dans la capitale (de moins de 3 000 euros à près de 4 000 euros le mètre carré). Le passeport énergétique et la hausse de la TVA au 1er janvier 2015 pour les biens en construction expliqueraient cette hausse des prix.
Aude Forestier