Les quatres principaux cabinets d’audit du pays ont désormais présenté leurs résultats et affichent un total de 1,28 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2019, soit une croissance de 6,4 % sur un an.
En croissance de 8 % en 2019 et avec un chiffre d’affaires de 232 millions d’euros, KPMG a souligné poursuivre ses investissements sur la technologie afin de réussir sa transition digitale. Une tendance qui s’inscrit au niveau mondial puisque le groupe a annoncé la semaine dernière un investissement de 5 milliards de dollars sur cinq ans, en partenariat avec Microsoft, sur «les capacités d’analyses des données et sur l’intelligence artificielle», a indiqué Frauke Oddone, en charge des marchés.
Dans le détail des différents métiers de KPMG, le département «audit», qui représente 44,4 % du chiffre d’affaires du cabinet, a progressé de 5 % pour s’établir à 103 millions d’euros. Vient ensuite le département «advisory» (le conseil) qui représente 29,31 % du chiffre d’affaires, qui a progressé de 8 % pour s’établir à 68 millions d’euros.
Enfin, le département «tax» (fiscalité), qui représente 26,3 % du chiffre d’affaires, a progressé de 11 % pour s’établir à 61 millions d’euros.
KPMG signe ainsi la deuxième meilleure croissance au sein des Big Four, juste derrière EY Luxembourg et ses 8,3 % de croissance. «C’est une croissance durable et saine», a commenté Philippe Meyer, managing partner de KPMG Luxembourg.
Pour autant, KPMG reste sur ses gardes et a souligné l’importance de rester compétitif, notamment au niveau technologique. «Si nous connaissons le marché et nos concurrents, nous ne sommes pas à l’abri de l’émergence d’un nouvel acteur venant nous concurrencer, notamment dans le métier de la fiscalité, à l’aide des nouvelles technologies. C’est pour cela que nous devons continuer à investir dans le domaine», a expliqué Sébastien Labbé, responsable du département Tax.
Mais l’investissement dans la technologie prend du temps, à l’image du développement – présenté l’année dernière – d’une plateforme basée sur la blockchain pour garantir le règlement intégral de la TVA intracommunautaire et ainsi réduire la fraude qui coûte près de 50 milliards d’euros en Europe.
KPMG et EY, les bons élèves
«Nous avons présenté un rapport à la Commission européenne et aux autorités luxembourgeoises. Et ce rapport a été bien perçu. Mais encore une fois, la mise en place d’une telle solution basée sur la blockchain prend du temps et il faudra sans doute attendre 2025 avant de voir sa mise en place au niveau européen», a précisé Sébastien Labbé.
D’un point de vue plus global, les quatre cabinets formant le «Big Four» au Luxembourg sortent d’une année plutôt positive, sur la même tendance que les années précédentes, soutenue par la complexité toujours plus grande de la fiscalité, l’apparition de nouvelles réglementations européennes et nationales sur les dernières années ou encore la multiplication des fusions et des acquisitions en Europe.
En cumulant leurs chiffres d’affaires, les Big Four pèsent 1,282 milliard d’euros au Luxembourg, soit une croissance de 6,4 % par rapport à 2018, et emploient environ 8 324 personnes.
Si PwC reste le plus gros acteur avec un chiffre d’affaires de 464,4 millions d’euros, sa croissance (4,2 %) est la plus faible et c’est même la seule à afficher un recul sur un de ses métiers, à savoir la fiscalité. Le bon élève est EY Luxembourg, le plus «petit» des Big Four, qui en plus d’afficher la meilleure croissance annuelle, affiche également la meilleure croissance des Big Four dans les métiers du «conseil» (+10,9 %) et de «l’audit» (+8,8 %).
Des contraintes externes
De son côté, KPMG affiche le chiffre d’affaires le plus important dans le métier du «conseil» par rapport à ses concurrents et le plus fort taux de croissance dans le métier de la fiscalité.
Pour autant, le ciel n’est pas tout rose pour les cabinets d’audit. «Nous sommes habitués à travailler avec des contraintes, nos clients nous demandent des choses impossibles et nous le faisons, c’est dans notre ADN», a assuré Philippe Meyer, avant d’attirer l’attention sur une contrainte en particulier. «Je pourrais identifier la nouvelle réglementation de la profession d’auditeur comme une crainte, mais si cela permet de montrer que nous sommes des gens corrects qui essayons de faire notre métier avec intégrité et éthique, c’est bien. Par contre, il faut tout de même faire attention à certaines choses. Avec KPMG, nous avons fait le choix de mettre beaucoup de ressources au Luxembourg, des gens qui ont investi dans leur vie professionnelle dans le pays. Il faut donc s’interroger sur le fait de savoir si tout est fait pour qu’ils puissent vivre au Luxembourg, s’y loger», a prévenu Meyer.
Autre inquiétude généralisée au sein des cabinets d’audit, la difficulté de trouver des «talents», autrement dit, de la main-d’œuvre. Alain Kinsch, le CEO d’EY Luxembourg, avait souligné la nécessité «d’aller chercher de nouveaux collaborateurs toujours plus loin».
Même son de cloche du côté de KPMG. «Nous sommes habitués à aller chercher les talents très loin et on a aujourd’hui dans nos équipes une minorité de personnes issues de la Grande Région. Les entreprises vont devoir changer leurs méthodes de recrutement et aller chercher les talents là où ils sont, c’est-à-dire plus loin», a assuré Pascal Denis, en charge du département conseil de KPMG.
Ce dernier a d’ailleurs conclu en mettant en avant une autre inquiétude, celle des tensions macroéconomiques : «Dans le métier du conseil, qui est très dépendant des décisions d’investissement des clients, on peut craindre la tension économique générale, qui peut très vite arriver et avoir des impacts très importants. Si aujourd’hui, à court terme, je ne vois pas un tel cas, il faut garder à l’esprit que dans le monde où l’on vit, cela peut arriver extrêmement vite.»
Jeremy Zabatta