Accueil | Economie | Luxembourg : le revers de l’électrification automobile

Luxembourg : le revers de l’électrification automobile


Les centres de recherche sur les moteurs thermiques ont du plomb dans l'aile (Photo : Editpress).

Sous l’effet d’une volonté des constructeurs automobiles de se concentrer sur les moteurs électriques, les plans de restructuration se succèdent dans le secteur thermique avec des impacts jusqu’au Luxembourg.

Quelques jours après l’annonce d’un vaste plan de restructuration chez Delphi Luxembourg impliquant la disparition quasi complète, dans les deux ans à venir, de la division «Fuel Injection System» (FIS) et de la division composantes (PTP), soit 250 emplois menacés, c’est désormais la société Mahle-Behr qui a annoncé hier sa volonté de fermer son site de développement situé à Foetz. Une décision prise au siège de Francfort qui va impacter près de 80 salariés au Luxembourg.
Les syndicats, dont l’OGBL, ont très rapidement réagi face à cette annonce en soulignant vouloir faire tout le nécessaire pour ne pas revivre le même épisode qu’en 2017.

En effet, la société Mahle-Behr avait déjà licencié une soixantaine de personnes à l’époque tout en garantissant que le site ne fermerait pas. «La dernière fois, les salariés ont été traités d’une façon inhumaine et nous ferons tout pour ne pas revivre ça», a assuré Julie Roden, secrétaire centrale adjointe au sein de l’OGBL, qui n’a pas caché son inquiétude alors que les négociations du plan social commencent aujourd’hui. «Cette fermeture ne sera pas la dernière au sein du groupe allemand puisque cette restructuration s’inscrit dans un vaste plan au niveau global. Nous avons vu qu’en Allemagne, les salariés du groupe ont bénéficié d’un « package » assez important et notre inquiétude est qu’il n’en soit pas ainsi pour le Luxembourg», a expliqué Julie Roden.

En très peu de temps, le secteur automobile luxembourgeois va donc perdre deux entreprises ayant un certain poids dans un secteur défini comme stratégique dans la volonté du pays de se diversifier économiquement. Pour rappel, le secteur de l’équipement automobile emploie environ 9 000 salariés dans une trentaine d’entreprises et près de 20 % de leur activité est dédiée à la recherche et au développement.

Les constructeurs ne savent pas où aller

Une des raisons de ces restructurations, notamment chez Delphi, s’explique par la volonté des constructeurs automobiles, et donc de leurs fournisseurs technologiques, d’investir davantage dans l’électrique au détriment du diesel et de l’essence. Rien de surprenant alors que les experts du secteur estiment que d’ici 2025, jusqu’à 45 % de la production mondiale de véhicules sera électrifiée. Un changement qui a déjà un effet négatif sur les entreprises et les salariés.
«Les restructurations dans l’automobile sont en effet dues au fait que le diesel s’écroule mais également au fait que les constructeurs ne savent pas trop où aller», souligne un ingénieur moteur travaillant au Luxembourg. Et de préciser : «Les constructeurs ont stoppé le développement des moteurs à combustion. Donc, forcément, il y a moins de travail pour des entreprises comme Delphi. C’est également très politique, dans la mesure où les politiques sont indécis et les constructeurs avancent sur le seul projet qui semble recueillir l’aval des politiques, l’électrique.»
Pour montrer par l’exemple la situation dans une société comme Delphi, «il faut savoir qu’un composant diesel ramène quatre fois plus d’argent qu’un composant essence. Cela veut dire que sans le diesel, une société comme Delphi doit trouver quatre fois plus de projets pour gagner la même chose qu’avant», renchérit un autre ingénieur moteur travaillant au Luxembourg.

D’ailleurs, du côté de Delphi, on souligne également les conséquences des changements stratégiques dans le secteur automobile pour justifier une telle restructuration. «Le plan de restructuration répond directement aux transitions et aux défis majeurs auxquels cette industrie automobile est confrontée. La décision a été prise à la suite d’une analyse globale détaillée de la présence d’ingénierie et de la structure des coûts de la société. Au cours des trois prochaines années, l’entreprise prévoit de prendre diverses mesures pour réorganiser et redéfinir sa présence et réduire de manière significative sa structure de coûts globale afin de pouvoir réagir rapidement aux évolutions rapides du marché», a précisé le service communication de Delphi Technologies.
Au Luxembourg, la société américaine prévoit d’ailleurs de faire du site de Bascharage l’un des centres d’excellence technologique mondiaux du groupe pour ses produits d’électrification et d’électronique. «La société prévoit de concentrer ses activités de recherche et développement du Luxembourg sur les produits pour véhicules hybrides et électriques et de progressivement cesser le développement des systèmes de gestion moteur à combustion interne», a assuré Delphi Technologies.

Évidemment, l’électrification de l’automobile ne suffit pas à elle seule à justifier les plans de restructuration dans des groupes et des sociétés qui gagnent énormément d’argent.
À titre d’information, Delphi Technologies, l’ancienne division moteurs de Delphi Automotive, avait annoncé pour l’année 2018 une hausse de 26 % de son bénéfice net, à 358 millions de dollars, pour un chiffre d’affaires inchangé de 4,9 milliards de dollars et une prévision du chiffre d’affaires en 2019 comprise entre 4,65 et 4,75 milliards de dollars.

Jeremy Zabatta

Les syndicats demandent des armes pour lutter

Avec la restructuration de Delphi et Mahle-Behr, ce sont 330 personnes qui vont se retrouver sur le carreau. Face à cela, les syndicats sont vent debout, «surtout que l’on parle de sociétés qui font des bénéfices», souligne Michelle Cloos, secrétaire centrale services et énergie de l’OGBL. Au-delà de ses deux dossiers, l’OGBL milite pour un renforcement des droits des salariés lors des plans sociaux. «Les décisions de restructurations se font généralement par des décideurs se trouvant à l’étranger et donc très loin du Luxembourg. Il ne faut donc pas négliger notre rôle dans le maintien de l’emploi. Mais nous demandons aux pouvoirs politiques plus de moyens, car avec nos lois actuelles nous n’avons pas les armes nécessaires pour que les gens soient traités humainement», peste la syndicaliste.

Un commentaire

  1. Vouloir des véhicules électriques en grand nombre et demander, en même temps, la fermeture de centrales nucléaires n’est pas logique. C’est à se demander si les décideurs le sont.
    Par contre, on peut produire beaucoup plus de gaz renouvelable et l’utiliser facilement pour tout.