Souvent résilient face aux crises, le secteur du luxe a tout de même été chahuté par celle du Covid-19. Pour autant, il continue sa marche en avant.
En juillet, LVMH – Moët Hennessy Louis Vuitton a présenté des résultats semestriels avec un bénéfice net divisé par six. Le recul de 27 % de ses ventes sur la première partie de l’année montre que le numéro un du luxe et première capitalisation boursière française a donc également été touché par la crise sanitaire, surtout au second trimestre, moment d’un confinement presque général dans le monde où le groupe a vu ses ventes chuter de 38 %.
Malgré ce revers, le plus grand groupe de luxe au monde n’a pas changé de cap et au moment de la publication de ses résultats, il a souligné vouloir «maintenir une stratégie centrée sur la préservation de la valeur de ses marques, en s’appuyant sur l’exceptionnelle qualité de ses produits et la réactivité des équipes».
Louis Vuitton : 500 m2 dans la capitale
Une volonté que l’on peut d’ailleurs retrouver sur le terrain, notamment au Luxembourg où la maison Louis Vuitton a inauguré, en début de semaine, son nouveau magasin au 9, rue Philippe-II, dans le mythique Palais du Mobilier Bonn Frères, toujours propriété de la famille Lazard. Si le projet de se déplacer de quelques mètres pour revenir dans ce bâtiment de style Art déco (c’était la première adresse de la marque au Luxembourg) avait été initié l’été dernier, donc bien avant la crise sanitaire, il montre l’attachement de la maison Louis Vuitton pour la capitale.
Mais cela démontre également que la clientèle du secteur du luxe est bel et bien présente à Luxembourg. Le malletier, d’ailleurs présent dans la capitale depuis 26 ans, y dispose désormais d’une surface de vente de 500 m2, contre seulement 150 m2 auparavant. Ce qui fait du magasin un de ses plus grands de la région Benelux et Scandinavie. La marque de luxe a même étoffé son offre en proposant pour la première fois dans le pays ses produits d’horlogerie et de joaillerie, ses parfums et ses objets nomades.
Pour l’occasion, la marque a même confectionné un ensemble de malles aux couleurs du pays. Un ensemble unique, tout comme son prix de 45 000 euros.
Défi d’ordre logistique
Au niveau plus local, Robert Goeres, le directeur de Goeres Horlogerie, reste positif. «Il y a deux ans, quand nous avons commencé à travailler sur notre future boutique, nous nous sommes demandé si la surface n’était pas un peu trop grande. Aujourd’hui, heureusement que nous avons cette surface pour accueillir nos clients en respectant les mesures sanitaires», souligne l’horloger qui a inauguré sa dernière boutique, dédiée à la marque Rolex, en novembre 2019. «Nous sommes tournés depuis longtemps vers la clientèle locale et nous ne sommes pas spécialisés dans la clientèle asiatique. Évidemment, il faut un confinement pour empêcher notre clientèle de venir», souligne Robert Goeres.
Discret sur l’aspect économique du secteur du luxe, Robert Goeres assure tout de même «qu’il a fallu beaucoup de créativité pour s’adapter à la situation sanitaire et économique», notamment dans le secteur de la logistique. En effet, le secteur du luxe en Europe possède des places fortes comme Paris, Genève ou Milan. Mais avec la crise sanitaire, difficile de faire venir une pièce ou un article de luxe de Genève ou de Milan jusqu’à Luxembourg.
«Aujourd’hui, nos défis se trouvent notamment dans l’approvisionnement. C’est un défi d’ordre logistique. Nous avons des transports de sécurité et aériens qui ne fonctionnent pas comme l’année dernière», explique Robert Goeres avant de préciser : «Auparavant, il y avait quatre à cinq vols entre Genève et Luxembourg. Pareil avec Milan. Aujourd’hui, il doit y en avoir un tous les deux jours, quand ils ne sont pas annulés.»
Au niveau du manque à gagner, là encore, Robert Goeres reste discret. «Nous avons dû fermer pendant deux mois, soit un sixième de l’année. Et pour rattraper ce sixième, c’est un défi que l’on devra surmonter avec de la créativité, notamment», explique l’horloger.
Une année « hors norme »
Contrairement au commerce traditionnel qui s’est très vite tourné vers le digital pour pouvoir continuer à vendre dans cette période difficile tout en respectant les mesures sanitaires toujours plus drastiques, le domaine du luxe n’est pas un grand adepte du numérique. «L’histoire que nous avons, les valeurs et les atmosphères que nous développons pour notre clientèle ne sont pas digitales. Les émotions ne passent pas par le digital», assure l’horloger luxembourgeois. «Nous ne sommes pas comme le prêt-à-porter qui est beaucoup plus exposé aux “intempéries“, mais on voit plus que jamais l’importance de la créativité pour notre secteur. On doit savoir se remettre en question en permanence et même dans notre domaine, il n’y a pas d’acquis. Pour certains secteurs, Noël ou la Saint-Nicolas sont très importants. Mais pas dans notre secteur un peu différent, atypique. Et puis, je n’ai jamais voulu être tributaire d’un seul mois de l’année pour assurer ma réussite. Donc, nous avons fait en sorte d’être présents sur l’ensemble de l’année. La fin de l’année est une période active, mais je crois qu’il va falloir faire preuve de patience et revenir sur certaines valeurs», termine Robert Goeres, qui avoue avoir passé une année «hors norme». Il explique : «On a deux nouvelles boutiques, on a eu un braquage en mars, on a été fermés pendant deux mois en raison du confinement, on a rénové.»
Enfin, du côté de l’automobile de luxe, difficile de faire une généralité. Des marques comme Ferrari et McLaren ont vu leurs ventes augmenter de 32 % et 33 % sur un an au Luxembourg, alors que Lamborghini (-38 %), Maserati (-28 %) ou encore Aston Martin (-47 %) affichent un net recul.
Jeremy Zabatta