L’Agence d’urbanisme de Lorraine-Nord (Agape) a revu ses projections du développement de l’emploi frontalier à l’aune de la crise : il y a un fléchissement pour 2021, mais un retour «à la croissance normale» est envisagé rapidement, au plus tard d’ici 2025.
«Le Luxembourg pourrait compter d’ici 2030, 10 000 frontaliers en moins que les prévisions pré-pandémie», avertit l’Agape dans son dernier Zoom transfrontalier. L’Agence s’est fait une spécialité des projections économiques et sociales du phénomène frontalier sur le territoire nord-lorrain. Un mal pour un bien, d’un point de vue luxembourgeois ? La fin du «toujours plus de frontalier», qui induit une organisation du territoire (mobilité, logement, investissement public) toujours plus complexe ? Pas sûr. Et même, en observant la trajectoire de l’emploi du pays après la crise de 2008, non.
Forte de ses révisions, l’Agape dessine trois mouvements :
- Un «coup d’arrêt» dans l’évolution des effectifs frontaliers en 2021. Malgré ce fléchissement, la progression de l’emploi des frontaliers reste plus forte que l’emploi des résidents, selon les premières statistiques de l’année de l’Adem (+1,7% contre 1,3% en janvier).
- Une reprise «progressive» des flux entre 2022 et 2024, puis un «retour à la normale» entre 2025 et 2030 (avec pour le versant français, des progressions entre 2% et plus de 3,5% par an, selon les endroits de Lorraine d’ici 2030, les plus fortes progressions des trois versants frontaliers du Grand-Duché)
- Un rythme inchangé par rapport au scénario médian (croissance à 3%) émis par le Statec avant la crise à partir de 2030 (en moyenne +1,4% par an de nouveaux frontaliers au Grand-Duché entre 2030 et 2040).
Dans ce nouveau scénario, le Luxembourg compterait 258 000 frontaliers en 2030, et 296 000 en 2040 : les frontaliers français seraient alors plus de 160 000 d’ici 20 ans, contre 105 000 actuellement !
Les questions d’avant la crise demeurent
L’Agape précise que ces perspectives sont conditionnées par les «futures politiques publiques». En clair : comment accueillir toutes ces populations sur le nord-lorrain, «alimenté en partie par des transferts de population depuis le Luxembourg», avec un retard qui s’est déjà accumulé en matière de mobilité et plus largement, d’attractivité à deux vitesses du territoire ?
La crise donne en cela un court répit à la cocotte-minute du marché de l’emploi luxembourgeois, dont chacun observe le bouillonnement depuis des années, en craignant un étouffement faute de lui donner un espace mieux pensé (situation inédite d’un développement métropolitain bloqué dans ses frontières).
L’Agape souligne que des territoires pourraient tirer leur épingle du jeu : c’est le cas de l’intercommunalité de Longwy (+2,5% de nouveaux frontaliers par an d’ici 2030), mais surtout du territoire de l’Orne (+3,5% par an d’ici 2030), à l’ouest de l’axe Thionville-Metz : une «seconde couronne de la métropole luxembourgeoise» plus accessible que Metz. Des territoires mosellans plus éloignés vont même connaître une croissance inédite : +3,7% par an pour Faulquemont d’ici 2040, et plus de 3% par an pour des zones comme Forbach et Saint-Avold. «En valeur absolue, ces nouveaux frontaliers ne seront bien sûr pas aussi nombreux qu’à la frontière, précise Michael Vollot, chargé d’étude à l’Agape. Mais en pourcentage d’évolution du nombre de frontaliers, leur installation sera significative dans ces territoires.» Le bassin de Pompey, non loin de Nancy, serait également à 3,4% de nouveaux frontaliers par an sur les 20 prochaines années.
Hubert Gamelon