L’aviation d’affaires a repris des couleurs. Elle a souffert, comme toutes les compagnies aériennes, mais a su rebondir de plus belle. Rencontre avec Cédric Lescop, le PDG de Jetfly à Luxembourg.
Quand François Brocart, le patron de l’école de pilotage Hub’Air, évoque l’avenir de ses cadets, il ne pense pas forcément à un poste à bord d’un Boeing ou d’un Airbus. Il lui suffit de regarder l’activité autour de lui, dans ce grand open space à Leudelange où opère Jetfly. La société créée il y a 20 ans à Luxembourg et dirigée par Cédric Lescop et Maxime Bouchard a lancé le concept de la propriété partagée en Europe avec un avion d’une polyvalence exceptionnelle, le Pilatus PC-12.
«Le Luxembourg est une terre d’accueil pour les compagnies aériennes importantes», observe Cédric Lescop. «Il y a trois belles sociétés d’aviation d’affaires avec Luxaviation, Global Jet Concept sur le très haut de gamme et Jetfly qui est l’entrée de gamme», détaille-t-il. De nombreuses compagnies d’aviation d’affaires opèrent en Europe, «quelque 500 ou 600», selon lui. «C’est un marché très morcelé mais seulement une vingtaine d’entre elles ont plus de 20 avions et le Luxembourg héberge trois de ces majors.»
Jetfly, qui est donc spécialisée sur le Pilatus PC-12, dispose de la plus grande flotte mondiale, avec une quarantaine d’appareils. Le groupe compte en réalité trois sociétés. Il y a d’abord Jetfly avec la multipropriété, qui garantit l’avion selon le nombre de parts achetées. Un seizième de l’avion donne accès à 35 heures partout en Europe avec une garantie de disponibilité. «On ne paye que le temps passé dans l’avion», précise Cédric Lescop.
La seconde entité, Fly 7, se concentre sur le management d’avions complets, il n’y a pas de multipropriété, la société opère l’avion du propriétaire et compte une vingtaine d’appareils. La troisième société est une plateforme digitale, Captain Jet, une start-up créée par Anne-Céline Lescop qui a développé la première application de mise en relation directe des utilisateurs avec les compagnies aériennes. «On peut réserver un avion partout dans le monde, avec un contrat électronique», résume le PDG du groupe Jetfly.
Toute cette activité génère un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros et emploie 300 personnes, dont 150 pilotes basés partout en Europe. Le groupe comptera bientôt un centre de formation en Suisse et c’est François Brocart qui en est le responsable pédagogique pour former les pilotes sur PC-12.
Nouvelle clientèle
Comme tout le monde, Jetfly a été très touchée par la crise sanitaire. «On est descendus à 15 % d’activité mais on est restés ouverts», déclare le PDG. La société a opéré beaucoup de vols médicaux et, pour ce faire, a lancé un appel aux dons auprès de ses clients. «Nous les avons sollicités pour qu’ils donnent chacun une heure de vol pour venir en aide aux soignants», explique Cédric Lescop.
La solidarité a joué puisque la société est parvenue à lever 200 heures de vol et a pu opérer une centaine de vols gratuits pour les soignants partout en Europe. «Nous avions beaucoup de flux entre le sud de la France et l’est. Nous avons également basé gracieusement un PC-12 à Rome pour que l’État italien l’utilise pour faire des connexions avec les îles qui étaient difficilement accessibles pour emmener des masques», raconte-t-il. Mais encore, le groupe a effectué des allers-retours en Corse pour des associations comme «Protège ton soignant» ou «Aviation sans frontières», ou le «National Health Service» à Londres.
Puis l’activité a redémarré assez fortement, de l’ordre de 10 % par semaine, pour retrouver un niveau normal au début du mois de juillet. «Nous opérons environ 50 vols par jour actuellement», confie Cédric Lescop.
«Nos clients volent moins mais ils ont de nouveaux besoins qu’ils n’avaient pas avant, car ils avaient plus de vols réguliers», explique le PDG. Les aéroports étant devenus des lieux anxiogènes, les clients veulent aussi protéger leur famille et ils prêtent l’avion à des proches. «Nous avons une nouvelle clientèle qui nous contacte à cause du contexte et nous avons notre carte à jouer avec nos Pilatus qui sont de petits avions de 6 à 8 places, monomoteurs avec de faibles émissions de carbone», justifie-t-il.
Un secteur de l’aviation qui ne flanche pas. Au contraire, il est à la recherche constante de pilotes.
Geneviève Montaigu
Freelance technicien aéronautique internationale types falcons