Après plusieurs jours à l’arrêt, ArcelorMittal a décidé de relancer la production de ses sites de Belval, Differdange et Rodange. Goodyear, de son côté, envisage également une réouverture progressive.
Depuis le vendredi 20 mars, trois sites sidérurgiques du géant de l’acier au Luxembourg – Belval, Differdange et Rodange – étaient à l’arrêt. Mais depuis lundi, les ouvriers sont de retour sur les chaînes de production. ArcelorMittal n’est pas la seule entreprise à suivre cette tendance.
Goodyear devrait faire de même dans les prochains jours. «Nous sommes en chômage partiel depuis le vendredi 20 mars et je pense que nous étions une des premières usines à fermer au Luxembourg. Évidemment, le but est de protéger notre main-d’œuvre. Mais d’un autre côté, nous devons également tenir compte de nos clients extérieurs. Goodyear est une entreprise qui fabrique du pneumatique poids lourds et du génie civil. La demande continue et pour le moment notre stock l’assume et nos dépôts fonctionnent», assure Jean-Paul Bruck en charge de la communication de Goodyear au Luxembourg.
Avec le fonctionnement des transports en Europe, notamment pour assurer la livraison de divers produits, parfois indispensables en cette période de crise sanitaire, les besoins en pneumatique restent d’actualité.
Reprise progressive et en effectif réduit
«On est en train de considérer la réouverture de l’usine de pneumatique au plus tôt le 3 avril. C’est un scénario, mais ce n’est pas encore confirmé», explique le porte-parole de Goodyear. L’usine située dans le nord du pays devrait donc recommencer prochainement à revoir ses ouvriers, mais progressivement.
«On ne peut pas lancer la production directement. Cela va prendre deux à trois jours et l’on va démarrer avec un effectif réduit», précise le porte-parole tout en soulignant que «les salariés en télétravail vont également revenir progressivement à leurs postes».
Chez ArcelorMittal, la situation semble identique. Il y a une grosse dizaine de jours, le géant de l’acier avait mis à l’arrêt ses sites de Belval, Differdange et Rodange, faute notamment de «personnel industriel clé, a réduit la main-d’œuvre disponible en dessous du minimum critique pour poursuivre les activités de production en toute sécurité».
«Au départ, nous voulions arrêter Belval, Rodange et Differdange pendant sept jours. Arrêter un four électrique pendant quelques jours, c’est une procédure que l’on sait faire et que l’on fait régulièrement pour changer les pièces par exemple. Nous avons fermé le 20 mars. Lundi, nous avons redémarré l’aciérie et le laminoir à Differdange. À Rodange, le train A qui sert à fabriquer les rails a également redémarré en début de semaine. Le four de réchauffage est redémarré depuis samedi. À Differdange et Rodange, la production a donc déjà repris. Pour Belval, c’est prévu pour demain», explique Pascal Moisy, porte-parole d’ArcelorMittal Luxembourg.
Pour autant, là aussi, l’activité ne va pas redémarrer sur les chapeaux de roues. Par manque d’effectif, en raison de congés maladie et pour raison familiale, ArcelorMittal est en effectif réduit. «Les carnets de commandes sont fournis, mais nous sommes en charge réduite. Nous allons tourner sur deux postes au lieu de trois, donc au lieu de travailler en trois fois huit, nous serons en deux fois huit heures», précise Pascal Moisy.
À noter que la tréfilerie de Bissen, fermée depuis le 25 mars, va reprendre demain et que le site de Dommeldange devrait rouvrir en début de semaine prochaine, le 10 avril.
Des mesures de sécurité renforcées
Outre le retour des ouvriers, ArcelorMittal insiste sur les mesures de sécurité renforcées en lien avec la crise sanitaire du Covid-19. «Nous avons mis en place des mesures de sécurité très importantes comme de nombreuses indications visuelles pour que les salariés puissent se référer en permanence aux bonnes pratiques. Il y a un briefing avant le démarrage des activités. Nous avons également mis en place une déportation de poste afin d’éviter que tous les salariés se retrouvent en même temps dans les vestiaires. Idem au niveau du réfectoire. On décale le démarrage des heures des équipes. Donc on fait venir les salariés de manière échelonnée. On réduit le nombre de conducteurs par engin. De plus, ils doivent laver le volant, la poignée, etc. en arrivant sur l’engin puis en repartant du poste. Les salariés vont travailler dans un environnement nettoyé plusieurs fois par jour», insiste le géant de l’acier.
Les syndicats restent inquiets
Du côté des syndicats, c’est la grimace. Si le LCGB a encore demandé au gouvernement la fermeture totale des entreprises non essentielles en cette période de crise sanitaire, l’OGBL s’inquiète également: «La situation est globale, on ne peut pas seulement parler d’ArcelorMittal. Dans la mesure où plusieurs usines sont dans le même cas, que les entreprises soient grandes ou petites. Il y a cette crise sanitaire et il est difficile de se réjouir de voir les usines rouvrir alors qu’il y a encore beaucoup d’incertitudes, explique Stefano Araujo , du syndicat Sidérurgie et Mines de l’OGBL.
Le secrétaire central de l’OGBL poursuit : « Il faut s’assurer que l’on a mis à la disposition des salariés tous les outils nécessaires à leur protection. Après, dans certaines usines, on ne peut pas mettre à l’arrêt toutes les machines. C’est le cas par exemple chez Guardian où l’on ne peut pas arrêter les fours. Les sociétés ont mis en place des mesures pour éviter de prendre des risques inutiles. On reste inquiets, mais on va s’assurer que tout est mis en œuvre pour protéger le personnel avec du gel hydroalcoolique, des masques, des désinfections et du nettoyage lors du changement d’équipe. Évidemment, nous voulons que l’activité reprenne comme avant, mais nous voulons faire comprendre aux employeurs que nous sommes dans une situation où le profit et le rendement ne sont pas vraiment des priorités.» Stefano Araujo conclut : «On va rester attentifs et si l’on constate qu’il y a des cas d’infection, nous demanderons une fermeture temporaire.»
Jeremy Zabatta
Pas de décharge à signer
Contrairement à Florange, il n’y a pas eu de malaise autour d’une formation assimilée à une décharge. Vendredi, nos confrères du Républicain lorrain ont relayé un certain malaise parmi les 2 200 ouvriers d’ArcelorMittal à Florange et la direction. Réunion de crise après réunion de crise, l’incompréhension grandit chez les représentants du personnel alors que le géant de l’acier a choisi de relancer partiellement mercredi soir après une semaine de pause.
«Aujourd’hui, l’argent compte plus que la santé des salariés», regrette Franck Laché (UNSA), qui ressent plus qu’à un autre moment le «deux poids, deux mesures entre cols blancs en télétravail et cols bleus sur sites». Depuis mardi soir, les représentants du personnel signalent des «pressions» exercées par la direction sur les CDD, les nouveaux CDI et les intérimaires via leurs employeurs, les sociétés d’intérim. «Des représentants du personnel vont même être concernés par les mesures de chômage partiel qui vont être prises», s’indigne Frédéric Weber (FO), qui s’oppose également à la «reprise de l’activité alors que l’épidémie gagne de plus en plus dans l’est et en Lorraine».
Un document assimilé par le personnel à une décharge de responsabilité
Si la crise sanitaire fait naître pas mal de craintes et d’inquiétudes sur le site sidérurgique de Florange, les ouvriers ont aussi été pris de court par une procédure mise en place par ArcelorMittal. «Ce qui choque le plus chez ArcelorMittal-Florange, c’est l’obligation faite aux salariés qui reprennent leur poste de signer le document appelé « suivi de formation/mode opératoire : mesures pour limiter les expositions au coronavirus pour le personnel »», écrit le quotidien français qui a pu consulter le document qui comporte toutes les nouvelles règles à suivre dans l’entreprise pendant la crise du coronavirus : gestes barrières, respect des déplacements, désinfection, adaptations des postes de travail, de la cantine et vestiaire, «la gestion des repas et pause».
Interrogé sur la pratique, ArcelorMittal Luxembourg l’assure : «Il s’agissait bien d’une formation aux mesures barrières. Et comme après toute formation, nous demandons aux salariés une signature. Mais en aucun cas ce n’était une décharge», assure le porte-parole d’ArcelorMittal Luxembourg. Du côté de l’OGBL, on assure également avoir «tué dans l’œuf toute volonté de faire de même au Luxembourg». Voilà qui est dit.
J. Z.