L’Union économique belgo-luxembourgeoise fête son centenaire en cette année 2021. En prévision du sommet entre les deux gouvernements, prévu ce mardi, nous retraçons l’histoire à succès de l’UEBL.
Vous vous rappelez encore? Bien avant l’arrivée de l’euro en 2002, les citoyens belges et luxembourgeois n’étaient pas obligés de passer par le bureau de change avant de se déplacer du Grand-Duché au Royaume et vice versa. Le franc belge et le franc luxembourgeois avaient en effet la même parité et pouvaient être dépensés des deux côtés de la frontière. L’Union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL), conclue en 1921, se trouve à la base de la création de la libre circulation des deux monnaies (lire ci-contre). «Le fait de pouvoir dépenser les billets belges et luxembourgeois dans les deux pays a constitué la réalité la plus tangible de l’UEBL», indique le Dr Franz Clément, chercheur au Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (Liser).
Quelle est encore la valeur de l’Union économique belgo-luxembourgeoise, 100 ans après sa création et près de 20 ans après l’introduction de la monnaie unique européenne? En 2002, l’union économique a été élargie pour renforcer la coopération aux niveaux politique et administratif, à l’échelle de la justice ou encore au niveau de la sécurité des citoyens et de la santé. Un pion majeur de l’UEBL demeure aussi la rétrocession fiscale «Martelange» qui continue à faire couler beaucoup d’encre.
Une place dans les traités européens
Les gouvernements belge et luxembourgeois vont se rencontrer ce matin au Kirchberg dans le format «Gäichel», nom donné en 2004 aux réunions bilatérales des deux conseils de ministres. La toute première réunion du genre a en effet eu lieu dans le village se trouvant à la frontière belgo-luxembourgeoise. Reporté en juillet en raison de l’hospitalisation de Xavier Bettel, atteint par le covid, le sommet va avoir lieu avec quelques semaines de retard. L’enjeu n’est pas devenu moins important avec la signature attendue d’un nouvel accord bilatéral sur la rétrocession fiscale.
Selon Thomas Lambert, ambassadeur de Belgique au Luxembourg, d’autres accords qui seront signés vont notamment concerner la défense (A400M, bataillon terrestre binational), la coopération sanitaire transfrontalière, le télétravail, la gestion de crises et la coopération diplomatique.
La volonté commune d’approfondir la coopération politique dans le cadre de l’UEBL est donc bien présente. Le fait que les deux pays soient intégrés à l’UE ne constitue pas un obstacle. Depuis l’instauration du traité de Rome en 1957, les alliances entre la Belgique et le Luxembourg, mais aussi avec les Pays-Bas, font partie intégrante des traités européens. L’article 350 du traité de Lisbonne, conclu en 2009, souligne expressément que «les dispositions des traités ne font pas obstacle à l’existence et à l’accomplissement des unions régionales entre la Belgique et le Luxembourg, ainsi qu’entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas (…)».
Le couac de 1982
En soi, il ne s’agit de rien d’étonnant, car comme le souligne Franz Clément, «l’UEBL et l’union douanière qui a été instaurée ont constitué un marché unique avant l’heure». L’union monétaire conclue dans la foulée est un autre «ancêtre» de l’Union européenne. Le docteur en sociologie intègre aussi le Benelux dans sa réflexion : «Le grand mérite des petits pays que sont la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas ont constitué les premiers fleurons de l’UE. Les deux évènements marquants dans la construction européenne à la sortie de la Première Guerre mondiale furent la création de l’UEBL et du Benelux.»
Conclue dans un premier temps pour une durée de 50 ans, l’UEBL n’a plus été remise en question depuis ses débuts. Le seul «incident majeur» de cette coopération n’a rien changé à la donne. En 1982, le gouvernement belge mené par Wilfried Martens décide de dévaluer le franc belge sans avertir son partenaire grand-ducal. «Cela a chauffé entre le Premier ministre luxembourgeois Pierre Werner et son homologue belge. Ce fut un moment délicat. Un tel « oubli » n’est pas à justifier. La réalité est que le gouvernement belge a voulu décider seul», estime le Dr Clément. L’incident diplomatique a été clos après que Wilfried Martens a présenté ses excuses. «Nous voulions évidemment informer le gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg avec qui nous sommes liés monétairement. Nous avons examiné le problème longuement, mais nous avons reculé devant le danger des indiscrétions», s’est défendu le Premier ministre belge après coup, cité dans le son livre Parole donnée.
Chronologie
1842. Le Grand-Duché intègre le «Zollverein», union douanière conclue avec l’Allemagne, qui est dénoncée en 1918 par le Luxembourg.
1921. Le Luxembourg et la Belgique concluent l’Union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL). La convention est signée le 25 juillet 1921 à Bruxelles.
1935. Le 23 mai est signée une convention instaurant l’association monétaire entre la Belgique et le Luxembourg.
1944. Création du Benelux, l’alliance conclue entre la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg.
1972. Reconduction de l’UEBL, 50 ans après sa création. Elle sera encore reconduite en 1982 et en 1992.
1977. Instauration de la «compensation Martelange».
1982. La dévaluation à sens unique du franc belge jette un froid momentané sur la relation belgo-luxembourgeoise.
2002. Avec l’arrivée de l’euro, la Belgique et le Luxembourg décident d’étendre leur collaboration. La nouvelle convention est cosignée par les trois entités régionales (Wallonie, Bruxelles et Flandres).
2002. La même année, le Fonds des frontaliers (ou Fonds Juncker-Reynders) vient remplacer la «compensation Martelange».
David Marques