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L’ONU alerte sur un ralentissement « brutal » du marché du travail dans le monde


"Les données disponibles suggèrent qu'un ralentissement brutal du marché du travail est déjà en cours", prévient l'organisation. (illustration AFP)

À la guerre qui fait rage en Ukraine sont venues s’ajouter d’autres crises qui pèsent lourdement sur les marchés du travail dans le monde, a averti lundi l’ONU, estimant qu’un ralentissement « brutal » était déjà en cours.

Dans un nouveau rapport, l’Organisation internationale du travail avertit que « selon les tendances actuelles, la croissance mondiale de l’emploi se détériorera de manière significative au quatrième trimestre 2022 ».

Face à cette situation qui se dégrade rapidement, « de nouveaux efforts coordonnés à la fois au niveau national et au niveau international seront nécessaires pour s’attaquer à la situation profondément inquiétante de l’emploi au niveau mondial et empêcher un ralentissement général important du marché du travail », a enjoint Gilbert Houngbo, le nouveau directeur général de l’organisation.

La création d’emplois et leur qualité est en baisse, constate le rapport, dans un contexte d’aggravation des crises de l’énergie et de la sécurité alimentaire, de la hausse de l’inflation, du resserrement des politiques monétaires et des craintes d’une récession mondiale imminente.

« Les données disponibles suggèrent qu’un ralentissement brutal du marché du travail est déjà en cours », prévient l’organisation.

Il manque 40 millions d’emplois

Au début de cette année, le monde commençait à se remettre du pic de la pandémie, et les taux d’emploi avaient retrouvé ou même dépassé les niveaux d’avant Covid dans la plupart des économies avancées, rappelle l’OIT.

Elle indique que cette hausse était particulièrement apparente dans les professions hautement qualifiées et chez les femmes, mais a averti qu’elle était également due à une augmentation des emplois informels, pour lesquels les protections sociales font généralement défaut.

Et la situation s’est aggravée ces derniers mois, souligne l’organisation, qui estime que le niveau des heures travaillées était inférieur de 1,5% au 3ᵉ trimestre à celui d’avant la pandémie, soit un déficit de 40 millions d’emplois à temps plein.

Cette baisse vient se conjuguer à une flambée des prix qui fait baisser le salaire réel dans de nombreux pays.

Le rapport insiste sur la situation désastreuse de l’emploi en Ukraine, envahie le 24 février par la Russie voisine et soumise depuis à une guerre intense sur son territoire.

L’inflation devrait y atteindre 30% d’ici à la fin de l’année et l’emploi y est inférieur de 15,5% au niveau de 2021 ce qui représente une perte de 2,4 millions d’emplois depuis le début de la guerre. C’est moitié moins que la projection initiale de l’OIT, mais les forces ukrainiennes ont depuis reconquis beaucoup de territoire.

« Cette reprise partielle du marché du travail est modeste et très fragile », souligne l’OIT, ajoutant que le grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays et de réfugiés à la recherche d’un emploi en Ukraine et ailleurs « risque de pousser les salaires à la baisse ».

Dans le même temps, le rapport estime que 10,4% de la main-d’œuvre ukrainienne d’avant-guerre, soit 1,6 million de personnes – pour la plupart des femmes – avaient fui en tant que réfugiés vers d’autres pays. Une enquête récente a révélé qu’à ce jour, un peu plus d’un quart des réfugiés ukrainiens avaient trouvé un travail salarié ou indépendant dans leur pays d’accueil, indique l’OIT.

Appel au dialogue social

Examinant la meilleure manière de faire face à la crise, le rapport met en garde contre une simple réaction à la hausse de l’inflation et appelle à un dialogue social approfondi pour mettre sur pied les politiques nécessaires pour contrer les ralentissements du marché du travail.

Les politiques doivent aussi se concentrer sur les implications plus larges sur l’emploi, les entreprises et la pauvreté dans les stratégies de lutte contre la hausse des prix.

Le rapport met en garde contre un resserrement excessif des politiques qui pourrait causer « des dégâts injustifiés au niveau des emplois et des revenus à la fois dans les pays avancés et dans les pays en développement ».