Le gouvernement britannique a donné mardi son feu vert à une participation limitée du chinois Huawei au réseau 5G, faisant fi des pressions de son allié américain à quelques jours du Brexit.
Le ministère du Numérique a annoncé dans un communiqué que le Royaume-Uni autorisait l’accès d’équipementiers télécoms « à risque » comme Huawei à ses réseaux 5G, sans mentionner clairement le chinois. Huawei s’est aussitôt dit « rassuré par la confirmation du gouvernement britannique que nous pouvons continuer à travailler avec nos clients afin de poursuivre le déploiement de la 5G », dans un communiqué séparé. Cette décision du gouvernement est intervenue après une réunion du Conseil de sécurité nationale, composé d’une poignée de ministres et de hauts responsables de la sécurité, sous la présidence de Boris Johnson.
Huawei autorisé dans les infrastructures non stratégiques
Dans le détail, le gouvernement britannique ne permettra pas à Huawei de prendre part au « cœur » du réseau, notamment les serveurs où transitent les données des utilisateurs, ni d’être présent dans des zones géographiques sensibles comme les sites nucléaires et les bases militaires. Des opérateurs comme Huawei seront autorisés toutefois dans les infrastructures non stratégiques comme les antennes-relais, qui permettent la connexion des téléphones mobiles au réseau, avec une part de marché limitée à 35%. La ministre du Numérique Nicky Morgan a expliqué vouloir le meilleur réseau possible mais « pas au détriment de notre sécurité nationale ». Le Royaume-Uni entrouvre les portes à Huawei qui est déjà impliqué dans le réseau 4G de plusieurs opérateurs, notamment BT, Vodafone et Three.
Cette décision est l’une des plus stratégiques qu’ait eu à prendre Boris Johnson depuis son arrivée au pouvoir l’été dernier, et qui a été conforté depuis par une large victoire aux élections de décembre. En autorisant Huawei, même partiellement, il prend le risque de mécontenter les Etats-Unis, au moment où le pays espère resserrer les liens avec Washington en négociant un accord commercial une fois le Brexit acté dans quelques jours. Les responsables américains n’avaient pas ménagé leurs efforts pour faire plier Londres, entre réunions à huis clos et avertissements lancés notamment en début de semaine par le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, qualifiant la décision britannique à venir de « capitale ». Les Etats-Unis exigent depuis de longs mois des pays européens, et en particulier du Royaume-Uni, qu’ils excluent Huawei de leurs réseaux, invoquant ses liens étroits avec le gouvernement chinois et des risques d’espionnage, ce que le groupe chinois a toujours démenti.
Une décision qui ne satisfait pas tout le monde
Le Royaume-Uni et les Etats-Unis font partis du réseau Five Eyes de partage de renseignement aux côtés du Canada, de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie, Londres aurait eu du mal à interdire Huawei, qui dispose d’une avance technologique sur ses deux principaux concurrents, Nokia et Ericsson, et est présent au Royaume-Uni depuis 15 ans. D’autant que si le chinois avait été rejeté, il aurait fallu retirer ses antennes-relais des infrastructures 4G existantes, ce qui serait coûteux et se répercuterait sur les factures des abonnés tout en retardant le passage à la 5G. Les services de sécurité avaient quant à eux à plusieurs reprises assuré qu’il était possible de travailler avec l’équipementier chinois sans compromettre la sécurité.
L’ouverture envers Huawei devrait faire grincer des dents au parlement de Westminster et au sein du gouvernement, la ministre de l’Intérieur Priti Patel et le ministre de la Défense Ben Wallace s’y étant opposé, selon la presse britannique. Si l’Australie ou le Japon ont emboîté le pas aux Etats-Unis en choisissant d’interdire Huawei sur leur sol, l’Union européenne, que le Royaume-Uni s’apprête à quitter, a annoncé mardi qu’elle ne comptait pas exclure l’équipementier par principe mais fixerait des « règles strictes ». Le gouvernement français devrait rendre à partir de la mi-février ses premiers arbitrages. En revanche, la plupart des grands marchés émergents, Brésil et Inde en tête, ouvrent grands les bras à l’équipementier chinois.
AFP/LQ