Le lancement du Brexit date tout juste d’une journée mais les grandes manœuvres commencent déjà dans le secteur financier : le célèbre marché d’assurance du Lloyd’s of London a annoncé jeudi qu’il allait ouvrir une filiale à Bruxelles.
Véritable institution au cœur de la City de Londres, ce marché d’assurance et de réassurance spécialisées a expliqué prendre cette mesure « au vu de la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne ». Il craint de perdre un accès plein et entier à l’UE au sein duquel il réalise 11% de son activité. Le gouvernement britannique a remis mercredi au Conseil européen la lettre déclenchant formellement la procédure de sortie. La Première ministre Theresa May y a confirmé l’intention du pays de quitter le marché unique, ce qui laisse planer un doute quant au maintien de l’accès aux « passeports financiers » européens pour les entreprises basées au Royaume-Uni.
Deux ans de négociations débutent désormais entre les autorités et le Lloyd’s a précisé vouloir que son nouveau bureau bruxellois fonctionne autour du 1er janvier 2019. « La société sera en mesure de souscrire des risques provenant de l’ensemble des 27 pays de l’Union européenne et des 3 États membres de l’Espace économique européen (Norvège, Islande, Liechtenstein NDLR) » avec l’ouverture de cette filiale à Bruxelles, a souligné le groupe. Il n’a pas précisé le nombre d’employés concernés mais la presse britannique estime qu’une centaine actuellement basés à Londres seraient transférés dans la capitale belge. Le nombre de salariés sur place pourrait néanmoins augmenter une fois que l’activité sera lancée.
Le vénérable Lloyd’s, dont les origines remontent à la fin du XVIIe siècle, emploie un peu moins d’un millier de personnes, soit beaucoup moins que les grandes compagnies d’assurance ou banques. Il s’agit en effet non pas d’un assureur en tant que tel mais d’un marché qui réunit les professionnels du secteur, aussi son poids est-il nettement plus important que ce que pourraient laisser croire ses effectifs. En 2016, le Lloyd’s a touché 30 milliards de livres de primes d’assurance (34,5 milliards d’euros).
« Ce n’est que le début »
Le choix de Bruxelles constitue une petite surprise, Dublin et Luxembourg ayant aussi été évoqués ces derniers mois parmi les choix possibles. « Cela démontre que la position de Bruxelles comme place financière s’améliore et cela pourrait même créer un appel d’air au niveau des autres assureurs et établissements financiers spécialisés », a salué le ministre belge des Finances, Johan Van Overtveldt. La directrice générale du Lloyd’s, Inga Beale, a souligné pour sa part que cette nouvelle compagnie, installée « dans un emplacement central en Europe », offrirait « un accès clé aux marchés européens ».
« Ce n’est que le début et les sociétés financières quittant Londres risquent de faire les gros titres dans les temps à venir », a prévenu Naeem Aslam, analyste chez Think Markets. Prépondérant dans l’économie britannique, le secteur financier emploie dans le pays 2,2 millions de personnes dans la banque, l’assurance ou encore les services associés. Un tiers des emplois sont concentrés à Londres dont les gratte-ciel accueillent les sièges de grandes banques britanniques et internationales, que ce soit dans la City historique, au cœur de la ville, ou dans le quartier d’affaires plus récent de Canary Wharf dans l’est de la capitale.
Le Quotidien/AFP
Des experts de JPMorgan prospectent au Grand-Duché
Les banques vont suivre avec beaucoup d’attention les négociations sur le Brexit et pourraient décider dans les deux ans à venir si elles déplacent ou non un nombre significatif d’activités en dehors du Royaume-Uni, vers le continent européen ou ailleurs.
Le Wall Street Journal vient de révéler que la banque américaine JPMorgan avait envoyé 75 experts en éclaireurs ces derniers mois, afin d’évaluer huit villes européennes, dont Paris, Francfort, Luxembourg et Dublin. Sur ses 16 000 employés au Royaume-Uni, elle pourrait en déplacer jusqu’à 4 000. Parmi les autres banques ayant fait état de leur plan, le britannique HSBC prévoit de déplacer un millier d’emplois de Londres vers Paris et le suisse UBS envisage aussi de bouger un nombre similaire de personnes.