L’industrie luxembourgeoise souffre selon les secteurs d’activité, mais l’activité de certaines entreprises reste essentielle pour lutter contre le Covid-19.
Durement touchée par la crise du Covid-19, l’industrie luxembourgeoise tient tout de même le coup, même si plusieurs acteurs ont commencé à réduire leurs activités ou encore à mettre à l’arrêt les machines provisoirement.
C’est le cas de Goodyear, qui a annoncé en milieu de semaine l’arrêt de ses usines en Europe, et donc celle de Colmar-Berg comptant 3 450 employés. Depuis le début de la semaine, un tiers de l’effectif est déjà en télétravail. Le reste du personnel se trouvant dans les ateliers de production va donc progressivement s’arrêter de travailler. L’entreprise a demandé que le dispositif de chômage partiel soit mis en place, a précisé hier le responsable de la communication de l’entreprise, Jean-Paul Bruck. «Le plan est que vendredi soir les ateliers de production ne tournent plus», a-t-il ajouté. Cette mise en veille se fera progressivement : la production sera réduite, puis les machines s’arrêteront les unes après les autres. Le site sera mis en veille avant un hypothétique redémarrage dans deux semaines.
Pour comprendre cette décision, il faut prendre un peu de recul et considérer l’activité au niveau de la Grande Région et même un peu plus loin. «Du fait de la fermeture progressive des grandes usines comme Volkswagen, Skoda, PSA, Mercedes, etc., une entreprise de la chaîne de production automobile voit son activité commerciale et industrielle se réduire ou s’arrêter», explique René Winkin, directeur de la Fedil, fédération représentant l’industrie luxembourgeoise. «Il en va de même dans le secteur de la construction. Avec l’annonce de l’arrêt des chantiers pour la fin de la semaine, si vous êtes un producteur de matériaux de construction, vous serez affecté. Vous pouvez éventuellement consolider les stocks, réduire l’activité, mais l’on sait qu’à un moment, si la situation perdure, l’activité va s’arrêter», poursuit René Winkin.
Dans cette situation, le chômage partiel reste une porte de sortie pour les industries luxembourgeoises qui dépendent, en fin de chaîne de valeur, des grandes usines alentour ou d’une finalité ne pouvant pas se faire car mise à l’arrêt. «L’industrie connaît l’outil du chômage partiel et la Fedil reste à l’écoute de ses membres pour trouver des solutions», ajoute le directeur de la fédération.
Des industries essentielles
Mais toute l’industrie luxembourgeoise n’est pas paralysée par la crise du Covid-19 et l’Asie semble renouer avec la demande. «Nous avons quelques entreprises dont les activités industrielles sont très spécifiques et davantage tournées vers l’exportation. On commence à voir un début de reprise en Asie, ce qui est bon pour les carnets de commandes», explique René Winkin.
De plus, certaines entreprises industrielles sont presque vitales pour lutter contre cette crise sanitaire hors norme. «Nous avons également une industrie avec des produits très spécifiques qui sont utiles à d’autres industries, comme Ceratizit, Circuit Foil ou encore Rotarex. Sans compter sur des entreprises avec une activité nécessaire en cette période de crise sanitaire. Je pense à tout le secteur agroalimentaire, aux abattoirs, aux laiteries, etc., qui doivent continuer de tourner et qui sont même maintenus dans le cadre de la réglementation grand-ducale en cas de crise. Mais il y a également des entreprises comme Dupont de Nemours, essentielle pour la production de vêtements de sécurité, ou encore Rotarex qui est leader mondial dans la fabrication de pièces utilisées dans certaines appareils de respiration et d’équipements à destination du domaine de la santé. Il est donc impératif de garder cette production intacte», assure René Winkin.
Recours à l’intérim si la situation empire
Dès lors, un des problèmes qui vont se poser si la situation s’aggrave, c’est la main-d’œuvre. Une des pistes envisagées, c’est de recourir à l’intérim. «Actuellement, avec le cumul des congés pour raisons familiales, de maladie, de mise en quarantaine, etc., il n’est pas facile de garder les équipes intactes et faire tourner les machines. Évidemment, toutes les entreprises font ce qu’elles peuvent. Mais il n’est pas à exclure qu’un jour l’industrie doive rechercher du personnel ailleurs. Nous n’en sommes pas là et les entreprises préfèrent avoir du personnel qui connaît les machines. Mais si la situation persiste et s’aggrave, il faudra peut-être recourir à l’intérim pour faire l’appoint dans les entreprises essentielles. Mais ce n’est pas juste l’industrie, il y a la gestion des déchets qui doit être assurée pour là aussi éviter une autre catastrophe sanitaire ou encore le secteur de l’énergie», réfléchit le directeur de la Fedil.
Un gouvernement réactif
Interrogé sur les mesures prises par le gouvernement pour soutenir les entreprises, René Winkin est assez satisfait de sa «réactivité». «Le gouvernement a été réactif. Très tôt, il y a deux semaines, nous avons eu des réunions pour invoquer le chômage partiel. Ils étaient conscients qu’il allait monter en flèche, tout comme le besoin de liquidités des entreprises. Les mesures qui ont été annoncées sont bonnes et je pense qu’il va y en avoir d’autres», commente René Winkin, avant de conclure : «Il faut quand même souligner que notre gouvernement a dû improviser, mais dans le bon sens du terme, dans la mesure où contrairement à d’autres pays, notre législation n’a pas prévu cette situation et n’a pas prévu de couvrir les frais de fonctionnement des entreprises. Le gouvernement s’est très rapidement mis au travail pour adapter la loi et les ministères ont été très réactifs d’autant qu’il faut rappeler que les différentes équipes des ministères n’ont pas la taille des grandes équipes des grands pays. Donc mon appréciation, c’est que l’on arrive à suivre, nous sommes réactifs, la politique est tout à fait consciente de la problématique des entreprises et mobilise ce qu’il faut mobiliser.»
Actuellement, sur les plus de 36 000 entreprises enregistrées au Luxembourg, 3 200 ont fait une demande de chômage partiel.