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Liberty Steel vacille toujours


La décision survenue la semaine dernière de vendre trois usines du nord et du centre de l'Angleterre plonge 1 500 employés dans l'incertitude. (Photo AFP)

Après la faillite de Greensill, l’empire du métal de Sanjeev Gupta peut-il survivre? La question se pose aussi bien au Luxembourg qu’au Royaume-Uni.

Tout comme leurs homologues à Liège et Dudelange, les salariés britanniques de la société Liberty Steel appartenant à Sanjeev Gupta, l’un des plus grands empires sidérurgiques au monde, sont confrontés à un avenir incertain, après l’annonce de la vente de trois usines au Royaume-Uni.

Autrefois considéré comme le sauveur de la sidérurgie britannique, le milliardaire indo-britannique lutte désormais pour la survie de son empire, après des soupçons de fraude et l’effondrement de son principal prêteur, Greensill Capital. Selon les avocats de cette société financière, sa disparition pourrait menacer au total 50 000 emplois dans le monde. Liberty emploie 3 000 travailleurs britanniques et sa maison mère, la holding GFG Alliance, 35 000 personnes dans le monde.

Sanjeev Gupta avait insisté sur le fait qu’aucun de ses 12 sites britanniques ne fermerait. Pourtant, la décision survenue la la semaine dernière de vendre trois usines du nord et du centre de l’Angleterre plonge 1 500 employés dans l’incertitude.

Liberty doit être un «vendeur responsable» et trouver un acheteur qui «ne se contentera pas de dépouiller les actifs», a réclamé Clive Royston, représentant du syndicat Community sur le site Liberty de Stocksbridge, dans le nord de l’Angleterre. «Nous sommes inquiets et nous n’avons pas de détails», a-t-il déclaré. «C’est difficile», dit-il, car les ouvriers «posent des questions et je ne peux pas répondre».

Crise des liquidités

La société financière Greensill a contribué à l’expansion de GFG grâce à des prêts à court terme destinés aux entreprises, lui évitant les lourdes restrictions des banques traditionnelles. Mais l’effondrement brutal en mars de Greensill, qui avait investi 3,5 milliards de livres (4,1 milliards d’euros) dans GFG, a déclenché une crise de liquidités au sein de la maison mère.

Depuis cette chute, Sanjeev Gupta cherche désespérément de nouveaux fonds pour éviter des fermetures d’usines. Mais l’affaire s’avère corsée, alors que Liberty n’aurait toujours pas remboursé un prêt de 18 millions de livres à Metro Bank. Liberty est aussi en négociation avec la banque Credit Suisse, elle-même exposée à hauteur de 10 milliards d’euros avec Greensill. Le gouvernement britannique a lui refusé de lui prêter 170 millions de livres.

De par la nature risquée du soutien à une entreprise en difficulté, les investisseurs peuvent faire soit d’énormes profits, soit perdre tous leurs investissements, a rappelé Dirk Jenter, de la London School of Economics. Pressée par ses créanciers, Liberty «se démène pour trouver de l’argent et essaie de vendre ses actifs les plus liquides», explique l’économiste, «une tentative pour gagner du temps afin de maintenir l’entreprise en vie».

Mais selon Dirk Jenter, l’enquête ouverte par l’équivalent du parquet financier contre GFG pour soupçons de fraude et blanchiment d’argent dissuadera les investisseurs potentiels. «C’est un signal d’alarme. Il faudrait un investisseur extraordinairement courageux pour se fier aux chiffres fournis par Liberty», a-t-il déclaré. «Cela rend presque impossible de prendre le risque d’investir.»

Nationalisation «peu probable»

De manière générale, tout le secteur britannique de l’acier est confronté à de larges défis, comme la hausse des prix de l’électricité et le taux d’imposition des entreprises, met en perspective l’économiste David Bailey, de l’université de Birmingham. Un surplus de longue date sur le marché mondial de l’acier et la concurrence chinoise ont également affaibli les aciéristes britanniques. Mais la crise que traverse Liberty est due à «des problèmes plus structurels», estime le chercheur : «Ils étaient bien trop dépendants de Greensill lorsqu’elle a fait faillite et se sont retrouvés trop exposés.»

David Bailey estime que le gouvernement britannique devrait intervenir par le biais d’une mise sous tutelle à l’américaine, où l’État gère et réforme les entreprises avant de les rendre au secteur privé, afin de prévenir des dommages dans des industries connexes. Mais le secrétaire d’État aux entreprises britanniques, Kwasi Kwarteng, a récemment déclaré aux députés qu’une nationalisation était «peu probable».

David Marques