Longtemps délaissé, le port de Tripoli, au Liban nord, ressemble désormais à une ruche, avec des employés travaillant 18 heures par jour. Il doit remplacer au pied levé celui de Beyrouth, porte d’entrée des importations du pays dévastée par une explosion meurtrière.
Immédiatement après la tragédie qui a ravagé Beyrouth le 4 août, soufflant des quartiers entiers et faisant plus de 171 morts et 6.500 blessés, les autorités ont donné l’ordre de préparer le port de la deuxième ville du Liban à accueillir « les opérations d’importation et d’exportation ».
Le jour même, sept bateaux qui se dirigeaient vers Beyrouth ont dû changer leur trajectoire pour venir décharger leurs marchandises à Tripoli, à 83 km au nord de la capitale.
« Le port de Tripoli peut prendre momentanément la place de celui de Beyrouth, le temps que ce dernier recommence à fonctionner normalement », a indiqué à l’AFP le directeur du port de Tripoli, Ahmad Tamer.
Dans son bureau, il tient réunion sur réunion. Le port de Tripoli, qui fonctionnait au ralenti dans une ville délaissée depuis des années par les pouvoirs publics, est désormais en pleine effervescence.
Les employés travaillent 18 heures par jour, au milieu d’importantes mesures de sécurité, assure M. Tamer.
Jusqu’à présent le port fonctionnait seulement à 40% de sa capacité, selon le directeur, n’accueillant que deux millions de tonnes de marchandises par an. Tout comme il ne recevait que 80.000 conteneurs par an alors qu’il peut en traiter 300.000.
Car depuis des décennies c’est par le port de Beyrouth que transite l’écrasante majorité des importations. Le Liban importe 85% de sa nourriture et c’est dans la capitale que ces cargaisons étaient déchargées.
Et même aujourd’hui, malgré l’explosion due à une grande quantité de nitrate d’ammonium qui y était stockée, certains secteurs du port de Beyrouth restent partiellement fonctionnels, selon les autorités.
C’est ainsi que 12 des 16 grues du port sont encore en service, d’après le ministre démissionnaire de l’Economie Raoul Nehmé, qui avait précisé mercredi que des bateaux continuaient d’être déchargés pour que les marchands viennent récupérer les cargaisons.
Nouveaux silos ?
A Tripoli, des travaux étaient déjà en cours pour agrandir et augmenter la capacité du port, et en faire, le moment venu, la principale porte d’entrée des marchandises nécessaires à la reconstruction en Syrie voisine, ravagée par la guerre.
M. Tamer se dit prêt à augmenter le nombre de travailleurs pour traiter l’arrivée d’une plus grande quantité de conteneurs, et dit vouloir réduire les lourdeurs administratives des douanes.
Il souligne que pour développer le port, il est nécessaire de relancer le transit des marchandises vers les pays voisins et surtout de faire fonctionner la zone économique spéciale adjacente au port.
La création en 2008 de cette zone, qui n’est pas encore entrée en activité, avait suscité des espoirs concernant une amélioration de la situation économique à Tripoli, où 57% des habitants vivaient déjà sous le seuil de pauvreté avant la crise de 2019.
Le port de Tripoli, d’une superficie de trois kilomètres carrés, accueille tous genre de marchandises à l’exception des produits pétroliers, dit M. Tamer.
Les autorités peuvent également compter sur deux ports plus petits, ceux de Saïda et Tyr au Liban sud, après l’explosion du port de Beyrouth.
Après la catastrophe, le Programme alimentaire mondial (Pam) avait dit craindre l’exacerbation « d’une situation alimentaire déjà sombre, aggravée par la profonde crise financière du pays et la pandémie de Covid-19 ».
M. Tamer indique que la construction de silos d’une superficie de 36.000 mètres carrés a été évoquée après la destruction de ceux, immenses, de Beyrouth, à l’heure où le Liban craint une pénurie de pain.
« Un pays qui ne dispose pas de silos peut être facilement affamé », dit-il.
Mardi, le directeur exécutif du Pam, David Beasley, a effectué une tournée dans le port de Tripoli et annoncé que 17.500 tonnes de farine envoyées par l’organisation devraient arriver au Liban dans les prochains jours.
Les autorités libanaises ont annoncé que le port de Beyrouth allait aussi bientôt accueillir des navires chargés de vivres envoyés par le Pam.
En attendant, sa reconstruction attire déjà les convoitises, la Chine, la France et la Turquie étant déjà sur les rangs, selon des médias locaux notamment.
AFP