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Les jeux vidéo, industrie reine du « Grand confinement »


Des grands noms de la moto de course s'affrontent virtuellement, fin avril (Photo : AFP).

Netflix, Amazon et les autres grandes plateformes numériques vont sortir renforcées de la pandémie, mais aucune industrie ne devrait autant tirer son épingle du jeu que celle des jeux vidéo, bien partie pour exploser ses records.

Activision Blizzard et Electronic Arts, deux titans américains de l’édition de jeux, ont réalisé d’excellents résultats depuis le mois de janvier. Activision a même revu ses prévisions à la hausse, un événement rare à l’ère des licenciements et du chômage technique.

Dispensés des distractions de la vie réelle, les adeptes des jeux n’ont jamais autant joué, ni dépensé, que ces derniers mois.

« Ils jouent tellement qu’ils usent leurs appareils », constate Ted Pollak, analyste chez Jon Peddie Research.

« Microsoft va sortir son nouveau simulateur de vols, et pour ce seul jeu, des centaines de millions de dollars seront investis dans des ordinateurs, avec des processeurs puissants ».

Même son de cloche du côté des consoles.

Nintendo et Sony n’ont pas encore publié leurs résultats pour début 2020, mais rien qu’en mars, les ventes de la Switch (Nintendo) ont plus que doublé comparé à 2019, selon l’analyste Matt Piscatella de NPD.

Cette performance n’est pas sans rapport avec le succès foudroyant de « Animal Crossing: New Horizons », un des jeux emblématiques du confinement, où on peut construire son île paradisiaque et visiter celles des autres joueurs.

« Initialement, on s’attendait à une année en demi-teinte pour les consoles », remarque Morris Garrard, de Futuresource. Il pensait que les consommateurs patienteraient jusqu’aux sorties des dernières-nées de Sony (PlayStation 5) et Microsoft (Xbox Series X), prévues pour la fin de l’année.

Maillots et mitraillettes

« Mais les gens sont coincés chez eux, les enfants ne vont plus à l’école… ». Alors ils retrouvent les avatars de leurs amis en maillots de bain, ou armés de fusils d’assaut, sur Fortnite ou Call of Duty: Warzone, deux autres phénomènes qui ont amplifié leur succès.

Les plus jeunes vont sur la plateforme de jeux Roblox, qui fait plus que jamais office de cour de récré.

« On assiste aussi à l’apparition du joueur senior », ajoute M. Garrard. En Chine, par exemple, « le mah-jong, un jeu de société populaire chez les personnes âgées, a connu un boom sur les smartphones ».

Il estime que les dépenses pour les jeux sur mobile vont bondir de 12% dans le monde en 2020, 5% de plus qu’initialement prévu, encouragées aussi par le déploiement de la 5G, ou de la 4G dans les marchés émergents (Brésil et Inde en tête).

Certes, la plupart des applications de divertissement et services de streaming, gratuits ou payants, films ou musique, décollent en raison des mesures de distanciation sociale.

« Mais le jeu vidéo est la star de l’industrie du divertissement », assure le cabinet Futuresource. Selon ses projections, « la croissance des jeux sera supérieure à la moyenne du secteur, pour atteindre 36% de parts de marché d’ici 2023, contre 31% en 2019 ».

Signe fort que ces entreprises se portent bien: les dépenses publicitaires des marques de jeux vidéo, Nintendo en tête, ont doublé sur les chaînes de télé américaines entre le 16 mars et le 15 avril, comparé à la même période en 2019, d’après VentureBeat et iSpot.tv.

Moteurs virtuels

Seuls les acteurs du e-sport vivent un peu moins bien la crise. Paradoxalement, les tournois professionnels nécessitent de réunir tous les joueurs dans un même endroit, pour les mettre dans les mêmes conditions techniques.

Mais les clubs sportifs, privés de stades, organisent des compétitions électroniques.

« Ceux qui regardaient la Formule 1 à la télé peuvent voir des vrais pilotes se mesurer à des joueurs aguerris sur des circuits virtuels, sur Twitch », plateforme de diffusion des parties en direct, note Laurent Michaud.

De quoi leur donner envie de jouer à leur tour.

Le confinement est aussi propice à l’adoption de nouveaux supports, comme le jeu sur le cloud (dématérialisé), intéressant pour les foyers disposant d’une connexion internet puissante et rechignant à investir dans de nouveaux appareils.

Google n’a d’ailleurs pas hésité à offrir deux mois gratuits sur Stadia, sa plateforme de « cloud gaming » lancée à l’automne.

Seule ombre au tableau, les réseaux sociaux et services de streaming s’attendent à un ralentissement avec le déconfinement, quand les consommateurs pourront retourner dans les magasins, les cinémas et les bars.

Mais les experts s’accordent sur la pérennité de cette croissance pour les jeux vidéo.

Une fois qu’ils y ont goûté, « les gens (…) restent des joueurs », affirme Ted Pollak.

Les sociétés, mieux préparées que d’autres au télétravail, sont donc mobilisées, malgré une production au ralenti.

« Il y aura des retards dans les sorties de nouveaux jeux. Mais la demande sera telle qu’ils se vendront mieux que jamais », prédit l’expert.

AFP