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Les États-Unis torpillent les négociations internationales sur la taxe numérique


Un accord mondial sur les taxes numériques passe par un accord entre les États-Unis et la France. (Photo / AFP)

Les négociations internationales sur la taxation du numérique sont en péril après de nouvelles exigences présentées par les États-Unis qui pourraient « faire capoter » la recherche d’un accord sous l’égide de l’OCDE.

Dans une lettre adressée jeudi à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin, a certes réitéré son soutien aux négociations en cours pour aboutir à un accord mondial d’ici juin, mais il a aussi présenté de nouvelles propositions qui déconcertent ses partenaires. Derrière l’expression anglaise « safe harbor regime » (« solution de repli »), que Mnuchin mentionne dans sa lettre comme une solution à ses « préoccupations », se cache en effet le principe « d’optionalité », a expliqué une source proche des négociations qui craint que cette exigence ne « fasse capoter les discussions ».

« Cela signifie que les multinationales pourraient choisir entre le système actuellement en vigueur ou celui qui serait conclu au terme des négociations à l’OCDE », a-t-elle expliqué. « Cette base de négociation est difficilement acceptable », a prévenu cette source. « On ne peut pas négocier à 135 pays un accord pendant des mois et des mois pour dire au final qu’il est en option », s’indigne une autre source proche des négociations qui s’attend à un rejet de cette proposition dès la semaine prochaine lors des réunions prévues à Paris. « Cela ne va pas dans le bon sens », a réagi une source française, qui rappelle que la solution qui se trouve sur la table des négociations est déjà largement inspirée de la position américaine.

Les États-Unis font machine arrière

Dans une réponse à Mnuchin, le secrétaire général de l’OCDE Angel Gurria n’a pas manqué de lui rappeler en termes diplomatiques son « engagement au cours des deux dernières années pour faire avancer le dossier » sans jamais évoquer la question de « l’optionalité ». « Depuis la réunion du G7 Finances à Chantilly (au nord de Paris) en juillet, les États-Unis font machine arrière », a expliqué l’une des sources qui attribue ce revirement aux craintes de Mnuchin « de ne pas obtenir de majorité au Congrès américain pour adopter l’accord de l’OCDE ». « Avec le principe d’optionalité, il pense disposer de plus de chances d’y parvenir, notamment au Sénat où les Républicains de M. Trump sont majoritaires », a-t-elle ajouté, tout en se demandant si les négociations ne risquaient pas d’être bloquées au moins jusqu’aux élections américaines de l’automne prochain.

Cette perspectives ne fait pas les affaires de Paris, qui a adopté une taxe sur les géants du numérique dès cette année et qui se retrouve menacée par l’administration Trump de droits de douane supplémentaires allant jusqu’à 100% sur une myriade de produits français, dont le champagne et le roquefort. « Après les nouvelles requêtes américaines, il est difficile de voir comment avancer », reconnaît la source française, Paris s’étant engagé à retirer sa taxe et même à rembourser les montants perçus si un accord mondial était conclu.

Eviter la prolifération de mesures unilatérales

Dans sa lettre, Mnuchin a d’ailleurs souligné l’importance des discussions à l’OCDE « afin d’éviter la prolifération de mesures unilatérales » et il a exhorté tous les pays à suspendre toute initiative de ce type. Les États-Unis provoquent ainsi le désarroi des autres pays négociateurs en menaçant de représailles ceux qui adopteraient des taxes contre les géants du numérique et en présentant parallèlement des exigences difficilement acceptables. « La solution à l’OCDE est la meilleure. Nous ne voulons pas qu’elles soient suspendues », assure-t-on du côté français, rappelant que le président Emmanuel Macron et son homologue américain Donald Trump avaient assuré mardi que ce différend pouvait être réglé par le dialogue lors d’une rencontre à Londres.

Dans sa lettre, Gurria a d’ailleurs invité Mnuchin à Paris pour une rencontre trilatérale en janvier avec Le Maire, une « façon diplomatique de dire à tous les deux que la solution à l’OCDE passe d’abord par un accord entre les États-Unis et la France », explique une source de l’organisation. « Nous gardons les portes ouvertes et nous nous efforçons de trouver une solution avec les États-Unis », a répondu la source française. « La façon positive de voir les choses, c’est de se dire que les États-Unis restent dans les négociations », a résumé l’une des sources proches des discussions.

LQ / AFP