Malgré les incertitudes du moment, les entreprises continuent de recruter au Luxembourg, faisant presque du pays une exception européenne.
Avec une hausse de 0,6% de l’emploi entre le premier et le deuxième trimestre, le Luxembourg fait office d’exception en Europe où la totalité des pays affiche une chute de l’emploi sur la même période selon des données d’Eurostat. Au sein de l’Union européenne, l’emploi est en recul de 1 point de pourcentage (pp), l’Allemagne affiche un recul de -0,5 point de pourcentage, la France de -0,6 pp, la Belgique de -0,8 pp, le Portugal de -1,8 pp et l’Espagne, la Slovénie et l’Estonie dépassent les -2 points de pourcentage. Il y a encore quelques semaines, la Fondation Idea mettait en exergue dans son tableau de bord la création de 9 761 emplois recréés au Luxembourg en mars et avril face à la destruction de 9 055 emplois sur la même période. Le pays reste résilient même au plus fort de la crise sanitaire. Voilà pour les chiffres. Reste à savoir si les chiffres reflètent la réalité du terrain.
«Globalement, en avril nous avons été très fortement impactés, comme bon nombre d’entreprises, puis le marché est reparti à la mimai et début juin. Aujourd’hui, au niveau de l’intérim, nous avons récupéré une bonne partie de la perte d’activité au niveau des volumes et de la demande», explique Fabrice Ponce, directeur d’Adecco Luxembourg mais également président de Fedil Employment Services (FES), qui regroupe les entreprises de travail intérimaire établies au Luxembourg avant de nuancer : «La question est de savoir combien de temps cela va durer. Avec les éventuelles nouvelles mesures sanitaires et le fait que 60 à 70% des intérimaires sont des frontaliers, il y a un impact direct lorsqu’il y a des mesures de confinement et de couvre-feu.» Concernant le recrutement, Fabrice Ponce reste également prudent en soulignant que « les recrutements en CDD et CDI sont bien repartis sur les mois de juillet et de septembre après une période en baisse. Octobre a été très bon aussi. Maintenant, nous attendons de voir quelles seront les tendances à venir, car on commence à constater que quelques entreprises mettent certaines demandes en stand-by étant donné qu’elles attentent justement de voir l’impact de la crise sur la fin de l’année» . Si, sans surprise, le secteur de l’Horeca n’est pas demandeur de main-d’œuvre en ce moment, celui de l’industrie et du bâtiment reste dynamique. « Dans l’intérim, le secteur du bâtiment fonctionne toujours bien. Il y a encore de nombreux chantiers en cours devant être terminés et de nouveaux chantiers qui vont démarrer. Le bâtiment devrait rester un secteur porteur », assure Fabrice Ponce avant de poursuivre : «L’industrie est aussi bien repartie, notamment dans l’automobile en lien avec de bonnes ventes en juin, juillet et septembre. Il semblerait même que certaines entreprises auraient du mal à suivre la production par manque de matière première.»
La visioconférence, pas une nouveauté
Dans le secteur financier, la tendance semble également bonne au niveau du recrutement. « Il y a eu un ralentissement au niveau des recrutements en mars avec le confinement, puis cela a repris. En échangeant avec des confrères, la tendance actuelle semble être positive et ça reprend vraiment bien», assure Caroline Lamboley. Forte de son expérience en ressources humaines chez BDO et Deloitte, la chasseuse de tête est actuellement à la tête de son propre cabinet de chasse, Lamboley Executive Search. Avec les contraintes sanitaires, les processus de recrutement sont également beaucoup plus digitaux. « On recrute encore de manière physique avec les gestes barrières indispensables et le respect des règles sanitaires. Mais de plus en plus, le recrutement en visioconférence se pratique, dans un premier temps, pour le recrutement», explique Fabrice Ponce. Idem du côté de Caroline Lamboley, assurant que la pratique n’a rien de nouveau. « On recrute beaucoup par Zoom ou avec d’autres outils de visioconférence. Après, cela dépend des candidats. Certains préfèrent la rencontre physique, avec masque et vitre en plexiglas, d’autres préfèrent la visioconférence car ils sont en télétravail ou ne veulent pas prendre de risque. Après, j’ai aussi eu des candidats qui étaient cas contact, donc la seule solution était la visioconférence pour ne pas ralentir le processus de recrutement. Dans un premier temps, j’utilise donc beaucoup la visioconférence avant de présenter le candidat physiquement à mes clients. Mais là encore, certains clients recrutent uniquement via visioconférence», explique la chasseuse de tête.
«La visioconférence, elle ne date pas d’aujourd’hui. Quand j’étais en poste chez Deloitte de 1998 à 2012, on faisait des entretiens d’embauche par Skype car on recrutait des candidats venant de Malte, de l’île Maurice, du Canada, etc. Et on n’allait pas faire se déplacer les candidats à Luxembourg juste pour l’entretien. Déjà à ce moment-là, on faisait des visioconférences tout au long du processus de recrutement et on rencontrait la personne physiquement lors du premier jour de travail. Aujourd’hui, c’est peut-être nouveau pour les petites structures, mais pour les grosses structures comme les Big Four qui ont un gros besoin en recrutement et qui doivent aller chercher au-delà de la Grande Région, ce n’est pas nouveau», explique Caroline Lamboley.
Une réflexion sur son emploi
En revanche, la crise sanitaire a parfois fait réfléchir certaines personnes sur le sens de leur travail. S’il peut paraître délicat de changer de travail en cette période d’incertitude, certains ont pu justement profiter de la crise pour se remettre en question. « J’ai remarqué qu’il y a des candidats qui ont profité du confinement pour découvrir qu’ils avaient un mari, une femme, des enfants. Ils se sont posé des questions sur leur emploi, le sens de ce qu’ils faisaient dans leur emploi pour finalement en déduire que ce n’était pas ce qu’ils voulaient pour leur avenir et ont décidé de s’intéresser à de nouvelles opportunités professionnelles », souligne Caroline Lamboley. « D’un autre côté, pas forcément parmi les hauts profils, certains préfèrent jouer la sécurité et ne surtout pas changer de travail. Mais dans les hauts profils, ils savent qu’à ce niveau d’expérience, même si le processus de recrutement prend un peu plus de temps que d’habitude, ils trouveront toujours une belle opportunité », termine la chasseuse de tête spécialisée dans le recrutement de profils avec une expérience et une expertise élevées.
Jeremy Zabatta