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Les entreprises allemandes s’impliquent dans la campagne des européennes


"Le 26.5, choisissez l'Europe – c'est une question de liberté et de prospérité", peut-on lire sur une énorme affiche au cœur de Munich, dévoilée lundi par la fédération de l'industrie bavaroise VBW, qui veut "faire la publicité de l'Europe et de la participation aux élections". (photo AFP)

D’ordinaire réticentes à afficher des positions politiques, les entreprises allemandes incitent de plus en plus ouvertement leurs employés à voter aux élections européennes fin mai pour combattre les partis eurosceptiques, craignant pour leurs principaux marchés.

« Le 26.5, choisissez l’Europe – c’est une question de liberté et de prospérité », peut-on lire sur une énorme affiche au cœur de Munich, dévoilée lundi par la fédération de l’industrie bavaroise VBW, qui veut « faire la publicité de l’Europe et de la participation aux élections ».

Et la VBW n’est pas seule : plusieurs entreprises et fédérations professionnelles – allant de Volkswagen et Thyssenkrupp à la puissante industrie chimique VCI – exhortent leurs employés à se rendre aux urnes.

« Je n’ai pas, par le passé, noté qu’un aussi grand nombre d’entreprises appelait publiquement à voter », commente Hubertus Bardt, directeur de la recherche de l’institut IW à Cologne. « Les entreprises se rendent compte de l’importance de l’intégration européenne. »

Fin février déjà, dans un courrier aux membres de la confédération du patronat allemand (BDA), le « patron des patrons » Ingo Kramer jugeait la situation « grave » et le projet européen « menacé ».

« Je demande à toutes les entreprises allemandes d’annoncer clairement la couleur », écrivait-il, redoutant « que des antieuropéens de gauche et de droite deviennent ensemble une grande force de blocage au Parlement européen ».

Chimie, auto, bassin minier 

Avec 780 milliards d’euros d’exportations en 2018, l’Union européenne est le plus grand marché pour les entreprises allemandes.

« Les initiatives (pour les élections) viennent principalement de grands groupes orientés vers l’export », observe l’économiste Alexander Kritikos, de l’institut allemand de la recherche économique DIW à Berlin.

« Des tendances comme le Brexit, le populisme, l’euroscepticisme et le nationalisme sont des risques majeurs pour des entreprises de cette taille », détaille Andrea Römmele, professeure à la Hertie School of Governance.

La campagne « Ja zu Europa » (« oui à l’Europe ») de la VCI, lancée fin avril, doit « souligner les avantages d’une Europe unie et capable d’agir », explique de son côté Hans Van Bylen, président de la fédération et patron du géant Henkel.

La fédération de l’artisanat a également conçu un tract « Oui à l’Europe » et, dans le bassin minier de la Ruhr, Thyssenkrupp, RWE, Eon et Evonik inciteront leurs employés à aller voter.

« Il faut mieux expliquer pourquoi nous avons besoin de marchés ouverts et de libre-échange pour réussir, et pas d’un retrait dans nos coquilles nationales », plaidait en mars Guido Kerkhoff, le patron du géant industriel Thyssenkrupp.

Volkswagen formulera aussi prochainement « un appel clair au vote », a indiqué fin janvier à Bruxelles Gunnar Kilian, directeur des ressources humaines. « Pour l’unité européenne, pour nos valeurs communes, pour une coopération pacifique, (…) notre démocratie a besoin de chaque voix. »

« Intérêt marketing »

« Les groupes allemands sont parmi ceux qui bénéficient le plus du marché unique européen et ont donc un intérêt fondamental dans son approfondissement », relève Alexander Kritikos. « Il serait fatal aux entreprises que le marché unique se disloque. »

Une cinquantaine de PME familiales ont par ailleurs lancé la campagne « Made in Germany – Made by Vielfalt » (« Fait en Allemagne – fait par la diversité ») contre le racisme et la xénophobie.

Mais, au-delà d’un intérêt économique, afficher des positions politiques claires peut aussi s’avérer bénéfique pour l’image d’une marque.

« Les consommateurs deviennent de plus en plus critiques » et intègrent désormais « des critères politiques et sociaux », note Andrea Römmele.

Or « la partie pro-européenne de la population est en général bien éduquée et a surtout un solide pouvoir d’achat », souligne-t-elle.

La campagne ouverte des directions d’entreprise risque en revanche de heurter une partie des salariés, alors que l’extrême droite s’ancre progressivement dans les comités d’entreprise à la faveur des élections professionnelles, notamment chez plusieurs constructeurs automobiles.

« Il faut que les entreprises fassent attention à ne pas attiser les conflits partisans dans leurs usines », met en garde Hubertus Bardt.

AFP