Le prix du blé, qui chute depuis deux semaines, était mercredi au plus bas depuis un an sur le marché européen, dans un contexte où les très belles productions russe et australienne ont repoussé au second plan les inquiétudes géopolitiques.
Sur Euronext, la tonne de blé tendre pour livraison en mai s’échangeait à 268 euros en séance mercredi, son plus bas niveau depuis le 22 février 2022. Ce reflux entraînait le maïs dans son sillage, avec un grain jaune autour de 263 euros la tonne pour livraison en juin, soit son plus bas niveau depuis mi-mars 2022.
A la Bourse de Chicago, la céréale du pain était aussi en repli, avec un blé d’hiver de catégorie SRW (Soft Red Winter Wheat) pour livraison en mai, le plus échangé, à 6,98 dollars le boisseau mardi soir – contre 7,055 une semaine plus tôt, après être tombé lundi à son plus bas niveau depuis 2021.
Le blé américain s’érodait toutefois moins qu’en Europe, dans un marché peu actif, dans l’attente de la publication du rapport mensuel du ministère américain de l’Agriculture (USDA) sur les estimations mondiales de productions, stocks et exportations.
Ce rapport, dit « Wasde », très attendu par les marchés, devrait toutefois être relativement « neutre », estime Dax Wedemeyer de la maison de courtage US Commodities, qui en attend essentiellement une révision à la baisse de la production de maïs et de soja argentins, qui pourrait être compensée par de « bons rendements en provenance du Brésil ».
Cette baisse persistante des prix des céréales tient à deux facteurs principaux pour Sébastien Poncelet, analyste au cabinet Agritel.
D’une part le « décrochage du blé russe », dont l’offre est abondante et qui cherche à gagner des parts en marché en baissant encore ses prix. « Cela entraîne un mouvement général de baisse car il reste par ailleurs beaucoup de blé à sortir de Roumanie et de Bulgarie », à une « période habituelle de ralentissement des achats du Moyen-Orient, qui attend ses propres récoltes en avril-mai », explique-t-il.
La Chine de retour
D’autre part, l’optimisme des marchés quant au renouvellement de l’accord sur le corridor agricole maritime, qui arrive à échéance le 18 mars. Cet accord, signé par Kiev et Moscou sous l’égide de l’ONU et de la Turquie, a permis de sortir plus de 23,5 millions de tonnes de produits agricoles d’Ukraine depuis le 1er août.
En dépit de nouvelles menaces russes de bloquer ce renouvellement – Moscou se plaignant de voir entravées ses exportations de céréales et d’engrais, que les Russes peinent à écouler du fait de la réticence des opérateurs – « les marchés ne croient pas à un arrêt du corridor », notamment du fait de la position de Pékin.
« Dans son +plan de paix+ en 12 points présenté fin février, la Chine s’est prononcée très clairement pour le maintien du corridor, dont elle est devenue le premier bénéficiaire, avec 4,9 millions de tonnes de produits agricoles importés, devant l’Espagne (4,1 millions de tonnes) et la Turquie (2,7 millions de tonnes), souligne Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage.
La Chine, géant assoupi pendant la crise sanitaire, est bel et bien « revenue dans le jeu » et son poids bouleverse les précédents équilibres, souligne-t-il, relevant que la hausse des achats chinois a récemment propulsé l’orge « au même prix que le blé » alors qu’elle est d’ordinaire vendue environ 20 euros de moins la tonne sur le marché européen.
Autre facteur limitant la hausse des cours, le retour de la pluie en Europe de l’Ouest, à « un moment favorable pour les cultures » : « cela ne remplira pas les nappes phréatiques mais cela va profiter aux cultures à un moment clé de la croissance », relève Vercambre.
Quant au marché des huiles, il restait attentif à l’évolution des prévisions de récoltes en Amérique latine, offrant un soutien au cours du soja américain. Et à la Bourse de Kuala Lumpur, après une baisse conséquente, l’huile de palme a atteint son plus haut niveau en un mois, du fait d’inondations en cours en Indonésie et Malaisie, les deux plus gros producteurs mondiaux.