Les dirigeants de l’UE ont pour la première fois lié l’octroi de financements européens au respect des principes démocratiques, dans l’accord conclu mardi à Bruxelles pour relancer l’économie après le coronavirus. Mais Budapest et Varsovie jurent le contraire.
L’accord, conclu à l’issue d’une lutte acharnée, porte sur un plan de 750 milliards d’euros et le budget de l’UE pour les sept prochaines années. Il prévoit la possibilité de réduire les sommes accordées aux pays qui enfreignent les normes dites « d’État de droit ». « C’est la première fois dans l’histoire de l’Europe que le budget est lié (…) au respect de l’État de droit », s’est félicité le président du Conseil européen, Charles Michel, après quatre jours et quatre nuits de négociations.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a expliqué que son institution avait proposé « un instrument pour prendre des mesures à la majorité qualifiée en cas de violations de l’État de droit ». « Un engagement très clair a été pris pour protéger les intérêts financiers de l’UE et contrôler plus strictement les fonds européens », a-t-elle insisté. Le texte final est un compromis entre les pays du nord qui voulaient que l’argent soit retiré aux gouvernements enfreignant ces règles et la Hongrie et la Pologne, qui font l’objet d’enquêtes pour avoir porté atteinte aux normes juridiques et aux valeurs démocratiques européennes.
À leur départ du sommet, les dirigeants hongrois et polonais ont tout deux crié victoire. « Toutes les tentatives de lier l’État de droit au budget ont été stoppées », s’est ainsi réjoui le Premier ministre hongrois, Viktor Orban. « Avant et même pendant les négociations, il y a eu des tentatives de, je ne peux pas dire d’humilier, mais au moins de nous éduquer sur notre État de droit. Et nous n’avons pas seulement réussi à obtenir un gros paquet d’argent, mais nous avons défendu la fierté de nos nations », a-t-il ajouté, saluant « une grande victoire ». Le Polonais Mateusz Morawiecki a quant à lui assuré qu’il n’y avait « pas de lien » avec l’État de droit dans les conclusions du Conseil. « Il suffit de comparer la version de départ à celle qui est définitive », a-t-il affirmé, cité sur Twitter par son service de presse.
Des procédures suspendues à de futures réunions
Le texte sur lequel se sont mis d’accord les dirigeants souligne dans un article « l’importance que revêt la protection des intérêts financiers de l’Union » ainsi que « le respect de l’État de droit ». « Compte tenu de ce qui précède, un régime de conditionnalité visant à protéger le budget et (le fonds de relance) sera introduit », est-il ajouté à l’article suivant. La Commission européenne devra proposer « des mesures en cas de manquement, qui seront adoptées par le Conseil statuant à la majorité qualifiée ».
La Hongrie et la Pologne sont sous le coup de la procédure dite de « l’article 7 », qui donne la possibilité à l’UE de sanctionner un État membre qui ne respecterait pas ses valeurs fondatrices. Mais la décision doit être prise à l’unanimité, ce qui neutralise sa portée. Budapest et Varsovie avaient menacé de mettre leur veto à tout lien entre financement et État de droit, ce qui aurait remis en cause toute la négociation sur le plan de relance. L’ouverture de la procédure de l’article 7 contre la Pologne remonte à décembre 2017. En septembre 2018, la même procédure a été ouverte contre la Hongrie, cette fois à l’initiative du Parlement européen. Elles sont pour l’instant suspendues à de futures réunions.
Un porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel n’a par ailleurs pas voulu confirmer l’affirmation selon laquelle elle avait promis de mettre fin à la procédure hongroise pendant la présidence de l’UE que son pays assure jusqu’à la fin de l’année. « La présidence allemande du Conseil a accepté de faire avancer ce processus dans les limites de ses possibilités », a dit le porte-parole du gouvernement allemand Steffen Seibert.
AFP/LQ